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Mamadou Djim Kola, doyen des cinéastes burkinabés (1940-2004)
Afriques 50 : Singularités d'un cinéma pluriel (L'Harmattan, 2005)
critique
rédigé par Emmanuel Sama
publié le 08/01/2007

Mamadou Kola Djim, doyen des cinéastes burkinabés est décédé le 11 décembre 2004 à Ouagadougou, alors même que le FESPACO, dont il était un des membres fondateurs s'apprêtait à célébrer la fête du cinquantenaire du cinéma d'Afrique noire.
Djim Kola est né le 27 janvier 1940, à Ouagadougou, d'un père friand de cinéma, qui possédait un appareil de projection grâce auquel il faisait partager ses heures de plaisir à tout le quartier en projetant les films de Charlot ou de Tarzan. Ce mordu de cinéma n'hésitait pas à emmener son fils dans l'unique salle obscure de l'époque. Par la suite Djim animera lui-même des soirées cinématographiques dans son quartier de Dapoya avant d'entamer des études d'instituteur au cours normal de Ouahigouya. C'est là que l'envie de faire du cinéma lui viendra, irrésistible. Grâce à l'un de ses professeurs rentré en France, il recevait des livres et des revues de cinéma. Après sa formation professionnelle en 1961, il s'inscrit par correspondance au cycle préparatoire d'entrée au Centre indépendant du cinéma français (CICF). Son année est concluante, mais c'était sans compter avec l'esprit de l'époque. Son envie de changer de catégorie professionnelle, pour devenir metteur en scène, se heurte à un refus catégorique de l'administration : le pays, lui fit-on savoir, avait plus besoin d'instituteurs que du cinéaste qu'il avait la folie de vouloir devenir.
Jusqu'en 1969, Mamadou Djim KOLA développera des activités intellectuelles et culturelles multiformes, parallèlement à son métier d'instituteur. En 1966, il fonde avec des amis, le Cercle d'activités littéraires et artistiques de Haute-Volta (CALAHV). Membre du ciné-club de Ouagadougou, il participera activement en 1969 à la première semaine du cinéma africain à l'origine du FESPACO. Sa rencontre avec les cinéastes africains est déterminante.
En 1970, Djim Kola s'envole pour Paris où il suit les cours du Conservatoire indépendant du cinéma français (CICF, devenu CLCF) et à une autre école rattachée à la Sorbonne, la cinquième section de l'École pratique des hautes études où Jean Rouch enseignait. "J'ai aimé tous ses films et beaucoup appris par ce cinéma direct appliqué aux sciences sociales". Il effectuera également des stages pratiques chez Gaumont, aux "Films du Soleil" et à l'Office de radio-télévision français (ORTF) entre autres.

Le retour de l'étudiant Djim Kola au pays, en 1971, va prendre une autre tournure. Le Burkina s'apprête à organiser la troisième édition du festival de cinéma. Pour les autorités de l'époque, la présence au FESPACO d'un film écrit et réalisé par un fils du pays était devenue une question d'honneur. Djim était le seul étudiant burkinabé. (L'un de ses compatriotes, Coulibaly, qui avait fréquenté l'IDHEC, avait préféré faire carrière ailleurs plutôt que de tâter du cinéma).
Djim Kola propose un scénario : Le Sang des parias. L'idée est vite acceptée et financée entièrement par l'État grâce aux fonds récoltés par la nationalisation des salles de cinéma, intervenue en 1969. Le film ne sera achevé cependant qu'en octobre 1972 et présenté à la quatrième édition du FESPACO en 1973, où il obtient le prix d'encouragement du jury. Le cinéma burkinabé était né.
Un rôle pionnier

De retour de ses études, en 1974, après un stage à l'Office national du film du Canada, Mamadou Djim Kola se voit confier la responsabilité du service cinéma, alors confiné au sein de la Direction générale de l'Information. Il dirigera ce service jusqu'en décembre 1979. Militant engagé pour les causes collectives, il s'associe à son ami Med Hondo et à d'autres cinéastes pour fonder le Comité africain des cinéastes (CAC) en 1982, afin de "créer une nouvelle force capable d'orienter les cinéastes vers de nouvelles actions positives pour défendre leur avenir" et prend une part active aux projets de la Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI) dont la mise en place en 1974, du CIDC-CIPROFILM. Au sein de cette structure qui avait son siège à Ouagadougou, il occupe, jusqu'en octobre 1985, le poste de directeur technique et de la formation professionnelle. La disparition du CIDC-CIPROFILM en 1986, a profondément marqué Djim Kola qui continuait jusqu'à tout récemment de faire part de son amertume au sujet de la responsabilité complice de certains professionnels africains avec les grands trusts européens. Il s'ensuit une longue éclipse, jusqu'en 1990, année à laquelle il entreprend la production de Toungan, les étrangers, un film prémonitoire sur les conflits inter-ethniques dans les pays africains.
Djim n'a jamais digéré les énormes difficultés financières rencontrées dans la production entre 1990 et 1992, de Toungan, les étrangers et les querelles de propriété avec l'État autour du film.
Tout en travaillant sur le projet d'une fresque historique sur la légende de la princesse Yennenga, héroïne mythique de l'histoire des Mossé au Burkina, Djim Kola réalise en 1998, un documentaire intitulé Abo, une femme du Congo sur une héroïne du Congo, Léonie Abo, veuve de Pierre Mulélé, ancien ministre de l'Education de Patrice Lumumba. Mais Djim a épuisé son énergie sur le projet de Yennenga auquel il tenait tant.

par Emmanuel Sama

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