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Le film concert
What a wonderful world (WWW), de Faouzi BENSAÏDI
critique
rédigé par Mohammed Bakrim
publié le 24/01/2007

Le deuxième long métrage de Faouzi Bensaïdi a réussi sa sortie parisienne ; avec de très larges échos, largement positifs dans la presse. Les Cahiers du cinéma lui ont consacré un article sous la plume de leur directeur de rédaction ; Le Monde et Les Inrockuptibles ont beaucoup aimé.
Au Maroc, le film est resté à l'affiche quelques semaines. On peut dire qu'il reçu un accueil mitigé. Le film séduit et interpelle. Il sort des entiers battus. Il propose une posture de réception inédite. Le titre énigmatique What a Wonderful World est tout un programme : un film-www ; un film-toile ; un film qui tisse une toile où le spectateur est appelé à jouer pour se retrouver. Présent en compétition officielle à Marrakech où ont dominé des films à thèse, marqués par l'actualité tragique du monde, Bensaïdi y amène de la fantaisie.
Du coup, le public est sorti partagé, divisé, perturbé et dans d'autres cas amusé et satisfait d'avoir été interpellé. D'emblée et dès le générique Bensaïdi nous invite à un jeu. La graphisme utilisé, le jeu des signes picturaux et scripturaux convoque un type particulier de spectateur, un spectateur complice, un regard cinéphile. Nous sommes invités à une révision de notre mémoire de cinéma. La stratégie se dévoile lors du générique ; moment censé nous donner des informations sur la fabrication du film (équipe technique et équipe artistique), il nous donne dans ce cas de figure des informations sur les tendances du film. La tendance principale étant la récupération et le détournement : récupérer des signes de la culture visuelle (film noir : Jean-Pierre Melville, James Bond, Tarentino, …cinéma muet) publicité et les détourner au service d'une autre approche. Avec WWW, Bensaïdi opère une révolution postmoderne. Le sens ne naît pas du signifié mais du signifiant. Ce n'est pas l'énoncé qui prime mais l'énonciation, le jeu. L'emprunt formel tient lieu de figure de style… Mille mois s'inscrit dans la modernité ; WWW, dans la postmodernité. On aurait pu imaginer un autre ordre, plus logique : WWW aurait constitué le premier film idéal d'un jeune cinéaste ; un exercice de style bourré de citations cinéphiliques et culturelles ; une entrée en matière pour prouver une connaissance ; un savoir et un savoir faire. Viendrait ensuite Mille mois comme le film de la maturité (un film de vieux !), plus mûr, plus "profond", plus inscrit dans une logique de sens. Mais Bensaïdi n'est pas dupe. Il sait que le cinéma traverse une mutation, que le réel est plus complexe que ne le suppose le réalisme. Conséquence, il a refusé de s'enfermer dans une tendance. Il s'empare de son outil de travail, le cinéma, pour en tirer toutes les possibilités d'expression et de jeu. Du coup, Mille mois fait partie de sa période classique rejoignant La Falaise son premier court métrage et WWW reprend une période ludique, celle ouverte avec Le Mur. Un film concert, c'est-à-dire un film qui ne demande pas à être compris mais ressenti, écouté, perçu dans un registre de communication globale.

Mohammed Bakrim

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