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Le discours de l'audace
La chambre noire, de Hassan Ben Jelloun
critique
rédigé par Lotfi Ben Khelifa
publié le 30/01/2007

Le flash-back est douloureux, honteux et à la limite de l'imaginable dans le film de long-métrage : La chambre noire du réalisateur marocain Hassan Ben Jelloun. L'audace l'accompagne pour dire enfin le non-dit, dévoiler les exactions qui eurent lieu à une certaine époque vécue par le royaume chérifien, trente ans auparavant, plus exactement.
La chambre noire, au-delà de son existence véritable, où étaient "accueillis", pour ne plus en sortir, les détenus politiques marxistes-léninistes, est la métaphore d'une situation endémique traversée par les intellectuels et révolutionnaires opposés au régime en place. Le film tente de dévoiler des vérités, trop longtemps inavouées et restées sans réponse. Une reconstitution, où trois éléments y cohabitent : la fiction, avec une histoire d'amour en filigrane, le flash-back ; où l'eau de rose vire à la giclée noire dans un gouffre qui semble sans fin et le documentaire, comme pour rappeler et insister encore plus sur la réalité du récit.
Le réalisateur Hassan Ben Jelloun réussit la narration entre passé et présent, usant d'images d'une forte intensité, ajoutées au jeu sobre des acteurs, et vient tout simplement inclure, vers la fin du film, des témoignages vivants de personnes ayant vécu réellement ces événements.
Le film de fiction vire au documentaire, à n'en pas croire les yeux ! car cette partie n'ajoute en rien à la valeur du film. Le cinéma de fiction, tiré d'une réalité brûlante, vient se confondre au cinéma du réel. Un choix tardif, venu à la fin du film. Ce dernier aurait pu se suffire à la fiction. Mais cette tournure à la dérision nuit à la valeur intrinsèque du film et exprime une manière quelque peu naïve de dire haut et fort que cette histoire est bien réelle. Le mélange de genres aurait dût être annoncé dès le début du film, pour que l'on soit avertis sur la démarche entreprise par le réalisateur.
La chambre noire, qui reçut l'Etalon d'Argent au FESPACO 2005, marque une volonté de sortir du conventionnel, d'effectuer une petite révolution, qui vient en parallèle avec l'histoire du film et marque la période féconde que traverse actuellement le cinéma marocain ; où les cinéastes, toutes générations confondues, réalisent des films courts et longs qui les placent au devant de la production maghrébine. La chambre noire, au-delà d'un titre triste et peu raccoleur, vient annoncer et ouvrir une page nouvelle de l'histoire du Maroc, pour se souvenir, certes, mais surtout pour interroger l'Histoire afin de pouvoir la réécrire, s'il le faut, pour les générations d'aujourd'hui. Film politique, ou film ayant la politique en filigrane, La chambre noire de Hassan Ben Jelloun, vient-il réconcilier les marocains avec une page de leur histoire ; pour aborder les réalités d'un passé si proche, sans fioritures, en s'armant de beaucoup d'audace.

Lotfi BEN KHELIFA

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