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Francis ZOSSOU, réalisateur béninois
"C'est pour moi une belle aventure qui commence et cette aventure, je voudrais la vivre à fond".
critique
rédigé par Yohanès Akoli
publié le 30/01/2007

Après une vingtaine d'année passées dans le journalisme, où il n'a réalisé que des reportages et tourné de petits documentaires, Francis ZOSSOU décide donc de se convertir à l'art des 24 images par seconde. Son premier coup d'essai Héritages – la sorcière un long métrage de 89 mn a reçu son baptême de feu à l'issue du 5ème Festival International du Film de Ouidah – 3ème prix du public. C'est à cœur joie que Francis ZOSSOU, a accepté de nous parler de son parcours.

Yohanès AKOLI : Comment êtes-vous venu au cinéma ?

Francis ZOSSOU : Toute ma vie, j'ai fait de la télévision, et à un moment donné, je voulais aller plus loin dans la télévision, manipuler les images, faire parler l'image. En tant que journaliste, j'ai fait des reportages, j'ai fait des documentaires. Je suis donc resté toujours enfermé dans la réalité, dans la vérité, dans le factuel. Maintenant, j'ai envie de faire de la fiction, toujours pour le même objectif. Communiquer avec les gens, partager les sentiments avec les gens, les espérances des gens, vraiment échanger avec les populations. Et je voudrais également réaliser un film, faire du cinéma pour les Béninois, pour les Africains. Evoquer des questions qui intéressent les Africains, par des choses que vivent les Africains, faire en sorte que, les Africains puissent cesser de voir les images venues d'ailleurs, les sons venus d'ailleurs, les idées venues d'ailleurs et que nous puissions répondre à nos réalités économiques, à nos réalités sociales.

Y. A. : Quelle importance, vous accordez à la sorcellerie dans votre film ?

F. Z. : Vous savez pourquoi est-ce qu'on choisi d'aborder un thème plutôt qu'un autre ? Pour différentes raisons, parmi lesquelles deux, que je voudrais évoquer. La première raison, c'est choisir un thème qui intéresse vraiment le public. La sorcellerie, c'est quelque chose qui nous concerne, je ne sais pas si c'est une réalité, je ne sais pas si c'est un mythe. Toujours est-il que c'est une chose qui intéresse les Béninois, les Africains. Les questions qui dépassent le naturel, le surnaturel, la magie, la sorcellerie, la religion… ça fait partie de l'âme de l'Afrique. Donc c'est la première raison. La seconde raison, c'est le spectacle que ce thème permet de faire. C'est commercial, si je puis permettre de s'exprimer ainsi. Il faut choisir les thèmes qui se vendent. Je pense que, c'est un thème qu'on peut vendre en Afrique. C'est pour ça que j'ai choisi ce thème.

Y. A. Autre thème important dans le film : l'héritage ?

F. Z. : Mais lorsque je parle d'héritage, en fait c'est une série que je suis en train de faire. Le film qui est passé est la première partie de cette série, la série s'appelle Héritage et cette première partie s'appelle la sorcellerie. Il y aura d'autres thèmes. La sorcellerie, c'est un héritage aussi, même si ce n'est pas une bonne chose. Il y a aussi des héritages mauvais ; on peut hériter de bonnes choses, des choses qui nous enrichissent, qui nous honorent, qui nous glorifient. De la même manière, on peut hériter des choses qui nous créent des problèmes, des choses qui nous apportent la honte, qui nous apportent la faillite.
La terre fait partie également des héritages. Le rapport que nous avons avec la terre fait partie de notre culture, de notre tradition. Le rapport que nous avons avec l'argent, fait partie de notre tradition, de nos comportements, de notre culture. Le rapport que nous avons avec le pouvoir politique fait partie aussi de notre culture. C'est toutes ces questions là, qui intéressent les gens. L'argent intéresse les gens, comment vivent les riches, les scandales de famille, … sont les thèmes qu'il faut mettre dans le cinéma pour pouvoir vendre, parce que le cinéma qu'on le veuille ou non, c'est du spectacle.

Y. A. : À votre avis, est-ce qu'il y a un mouvement qui pousse les cinéastes africains à tourner des films ?

F. Z. : Je vous ai dit, j'ai fait de la télévision pendant 20 ans comme journaliste, comme réalisateur de documentaires. Aujourd'hui, je décide de faire du cinéma, il y aura de plus en plus de gens comme moi. Il y a aujourd'hui des jeunes qui ont découvert le cinéma, des instruments pour faire le cinéma comme le numérique, la caméra, les bandes de montage, les ordinateurs. Les jeunes, ils sont très habiles pour manipuler ces outils là. Le paysage audio-visuel africain, béninois va s'enrichir, c'est sûr. Bientôt nous allons consommer peut-être autant de films qui viennent de chez nous, que des films qui viennent d'ailleurs.

Y. A. : Ce film a-t-il été pour vous un défi…

F. Z. : Si …C'est une autre vie qui commence pour moi sur le plan professionnel. Parce que jusqu'ici, j'ai fait du journalisme, aujourd'hui, j'ai envie d'entrer en relation serré avec le public africain, avec le public béninois. Je veux faire des films pour les faire rêver, je veux faire des films qu'ils vont aimer, les films qu'ils vont réclamer, de films qu'ils auront à voir, à revoir et à revoir encore…
C'est pour moi une belle aventure qui commence, et cette aventure, je voudrais la vivre à fond.

Y. A. : Vos prochains projets de film ?

F. Z. : C'est la même série que je vais continuer. Aujourd'hui, c'est l'héritage, demain, ce sera la terre, après demain, ce sera peut être les élections. Je prendrai toujours les thèmes qui vont intéresser les gens, et que je vais remuer dans tous les sens ; pour lancer des messages, pour partager des idées avec des gens mais aussi pour vendre les CD pour gagner de l'argent. Parce que les techniciens, les comédiens, il faut qu'ils soient payés. Il faut qu'on puisse vivre du cinéma et que les artistes, les techniciens du cinéma soient des gens qui ont des moyens d'entretenir une famille et de vivre vraiment de cela. Il faut en faire vraiment un métier, une industrie pour pouvoir exporter notre cinéma, pour rapporter des devises, pour enrichir notre pays et payer des impôts et créer un espace de production nouvelle, de production par audio-visuel mais de production au sens large du terme.

Y. A. : Quelle est votre conception du cinéma africain ?

F. Z. : Je ne veux pas parler de ces choses là. Voulez-vous que je vous parle encore du fait que notre cinéma est tourné sur l'extérieur, que nos films ne se vendent pas, qu'il y a pas les moyens pour faire du cinéma, qu'il y a pas les circuits de distribution ? Moi, je ne voudrais pas aborder ces questions là. Moi je voudrais regarder l'avenir avec optimisme. Je ne veux pas dresser un tableau noir du cinéma africain. Je voudrais regarder l'avenir en me disant ça va s'améliorer, ça va changer.

Y. A. : Quel appel lancez-vous à l'endroit des professionnels du cinéma africain ?

F. Z. : Moi, je pense que, la balle est dans le camp des professionnels. C'est les professionnels qui doivent faire les films qui doivent intéresser les gens. C'est les professionnels qui doivent apprendre à se mettre ensemble. Il faut que les réalisateurs puissent se mettre ensemble avec les preneurs de sons, les éclairagistes…, il faut qu'ils se fassent confiance. Il faut que les producteurs soient honnêtes. Il faut que chacun ait pour le travail qu'il a fait. Lorsqu'il n'y a pas d'argent, il faut que chacun accepte de travailler avec de petits budgets, avec de petits salaires. Mais lorsque l'argent arrive, il faut leur donner ceux pourquoi, ils ont travaillé, il faut entretenir et promouvoir une culture du partage, pas seulement le partage des idées, mais aussi le partage des retombées économiques de ce que nous faisons.

Propose recueillis par
Yohanès AKOLI (journaliste critique de film au Togo)

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