AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 937 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Un peu, pour l'histoire
Béhanzin, le rêve inachevé, de André Marie Johnson
critique
rédigé par Godefroy Macaire Chabi
publié le 30/01/2007

Si le rêve de Béhanzin reste inachevé, le film aussi n'est peut être pas achevé. Mais, il réussit l'exploit de s'imposer comme un petit document d'histoire. Sociologues, historiens, linguistes, écrivain, hommes de culture, chercheurs traditionalistes rivalisent de témoignages pour permettre d'appréhender un homme. Le projet du film documentaire saute aux yeux du spectateur, celui de développer l'héroïsme d'un souverain. Celui qui, comme Soundiata Keita, Tchaka Zoulou et les autres, a laissé l'héritage d'un digne combattant africain. Béhanzin, roi de la fin du 19ème siècle s'est imposé dans le Golfe du Bénin comme une grande figure de résistance à la pénétration coloniale. Mais entre le Palais de Danxomè, la Martinique et l'Algérie, le rêve se brise. Et il n'était même plus possible de recommencer
Le sort de Béhanzin est parti de la table Berlin. Le film aussi s'en sert comme point de départ. La carte d'une Afrique en lambeaux, morcelée et partagée au bénéfice des appétits impérialistes des grands. Et une voix grave prend acte de la décision de la conférence de Berlin en 1885. La voix du film, c'est celle-là.
Pas de générique de début, la biographie de Béhanzin inaugurée par un vieil homme puis Jean Pliya (écrivain et historien) suffit à le remplacer. Aimé Césaire, Elikia Mbokolo, Gérard Voisin et les autres occupent bigrement l'écran et participent aussi à la foire de témoignages. Absolument pas exagéré pour empêcher que la caméra fasse ses arrêts sur les scènes de cour à Abomey, quand bien même la modernisation aurait fait entre temps son passage. Les femmes dont le pagne entoure la poitrine démontrent de leurs pas cadencés les rythmes du royaume. Pas exagéré pour que le fort TARTENSON, la villa des Bosquets à la Martinique et la villa paisible en Algérie refusent de s'éjecter de l'objectif de la caméra. Il y a de quoi bâtir la chronologie d'un combat patriotique : du pays à l'ailleurs forcé, donc l'exil du roi en 1894. L'ordre du documentaire est l'ordre de l'histoire. Avec des apparitions en situation du réalisateur pour offrir la transition. Et aussi pour indiquer sa maîtrise de l'espace du film. Les images sont d'une vraie netteté et mettent en relief les intervenants. Au cinéma lorsqu'on n'a pas tout, on se sert avec génie de ce que l'on possède. Contrairement à Raoul Peck qui a reconstitué l'histoire avec une base de fiction dans Patrice Lumumba, André Marie Johnson a réussi le tour de force en appelant au secours de sa narration une pluie d'images fixes d'époque qu'il fait parler grâce à des techniques audiovisuelles modernes. Cette séquence avec des photos qui dégagent des crépitements d'armes lors du combat d'Atchoukpa, où les troupes françaises ont essuyé un sérieux revers face à l'engagement des braves femmes en armes du Roi, les célèbres amazones...
La musique originale du film n'est pas que de la musique. Elle participe à la construction du discours. Avec Oscar Kidjo, l'arrangeur de son, le spectateur ne se laisse pas bercer. Il participe plutôt à l'émotion et à la mélancolie de l'histoire. Comme le flot qui commence la fin du discours d'adieu de Béhanzin.
Laissons nous séduire par un film qui ouvre les yeux en toile de fond de l'histoire, sur l'héritage culturel. Les symboles de résistance, les canons, l'amazonisme, les meules, l'arbre centenaire, rempart des balles ennemies.
Reprochons lui de s'être limité à des témoignages sommaires sur la période d'exil. Les historiens n'ont pas permis de cerner l'énigme. Pas plus que le documentaire. Constatons qu'il n'a pas progressé sur des questions jusque là sans réponses sur Béhanzin, maintenant ainsi l'histoire en pointillés.
Mais reconnaissons lui la qualité qui lui fait mériter une bonne salve d'applaudissements.

Godefroy Macaire CHABI

Films liés
Artistes liés