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Le refus de l'exil !
Teranga blues, de Moussa SÈNE Absa (Sénégal)
critique
rédigé par Yacouba Sangaré
publié le 12/03/2007

"Voici le cœur du jeune homme qui voulait traverser l'océan". La mort dans l'âme, Dick, jeune artiste musicien, rentre au pays avec des menottes et se jette dans la ville.
Entre intrigues policières et comédie musicale, le dernier long métrage du Sénégalais Moussa SÈNE Absa est une satire d'une société africaine en perte de vitesse où, la jeunesse, livrée à elle-même, n'a presque pas d'issue. Pourtant, le réalisateur en propose une dès l'entame du film: le refus de l'exil en Europe. Le film laisse transparaître, avec le rapatriement de Madické ("Dick") le personnage principal, que partir pour fuir les souffrances du continent peut-être aussi source de désillusion. De même, le cinéaste accable, durablement, les gouvernants africains, qui n'offrent pas non plus de solution aux jeunes qui refusent l'aventure, si ce n'est une porte ouverte sur la déchéance: la drogue, le banditisme, la délinquance.
Largué donc à Dakar, avec pour tout argent de poche 20 euros (13.000 francs CFA), Madické n'a d'autre choix, pour survivre et aussi sauver sa face devant sa famille (qui, comme beaucoup d'autres en général, attend de l'or de tous ceux qui reviennent de l'Occident), que de basculer dans la délinquance.
Au-delà de cette déchéance, le réalisateur joue volontairement sur les clichés qui étiquettent et martèlent l'Afrique : la cupidité, et le manque de probité de nos dirigeants qui se rendent parfois coupables et complices de trafics divers, notamment des armes, au détriment de leur population. Toutefois, le réalisateur cultive le paradoxe, en baignant cette histoire dramatique, qui s'achève dans un bain de sang, dans une bonne dose de musique, embaumée de chants vertueux. Ce choix, Moussa Sène Absa l'explique par sa volonté de renouer avec le cinéma qu'il aime : celui qui fait rêver, rire et pleurer. Mais Teranga blues fait plutôt pleurer, avec la détresse d'une mère, qui préfère la dignité dans la pauvreté que l'opulence dans l'illégalité, meurtrie par la descente aux enfers de son rejeton. Là, Moussa Sène dénonce une hypocrisie propre aux familles africaines, plus enclines en général à s'extasier de l'enrichissement de leurs enfants expatriés, qu'à s'interroger sur les sources de cette fortune. Comme Madame Brouette, l'un des précédents films de Moussa Sène Absa, Teranga blues souffre hélas d'une incohérence dans le montage. Les séquences donnent le sentiment d'être un enchaînement de scènes inachevées. À cela s'ajoute le peu d'épaisseur des personnages qui édulcore la force thématique du film et donne le sentiment au spectateur d'être passé à côté d'une œuvre forte.

Yacouba Sangaré (Côte d'Ivoire)

Teranga blues, de Moussa SÈNE Absa, Sénégal, 93'. Avec Lord Alajiman (Madické), Juliette Bâ (Rama), Yakhara Déme (Mère Soukéye), Rokhaya Niang (sœur de Madické). Scénario et réalisation : Moussa Séne Absa. Production: Alioune Baduba (MSA Production, Dakar), Claude Gilaizeau (Les Films de la Lanterne, Paris).

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