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"Les Musulmans intelligents ont compris le film"
entretien avec Lotfi Abdelli, acteur principal de Making off
critique
rédigé par Fatoumata Sagnane
publié le 15/03/2007

Africiné : Qu'est ce qui vous a poussé à accepter le rôle de Bahta dans Making off ?

Lotfi Abdelli : Pour trois raisons.
D'abord parce que Nouri Bouzid est un grand metteur en scène arabe : des acteurs d'autres continents même rêvent de travailler avec lui.
Parce que j'ai aimé le scénario et cette thématique qui porte sur le terrorisme, l'endoctrinement, la jeunesse perdue et la politique.
Et enfin parce que le rôle est consistant. Le thème et le rôle m'ont fait peur : étais-je à la hauteur ?

Africiné : En quoi Nouri Bouzid est-il vénéré ?

Lotfi Abdelli : Il a une cinématographie importante et une direction d'acteurs parfaite. On reçoit toujours un prix d'interprétation avec lui !

Africiné : À quel moment vous êtes-vous senti en complicité avec le personnage de Bahta, qui est si complexe ?

Lotfi Abdelli : Dès le début, lorsque j'ai commencé à travailler sur le personnage, en répétant la danse hip-hop, en côtoyant le milieu de sa famille pour mieux l'incarner. Je suis très proche des jeunes tunisiens paumés dans la rue, car je viens de ces quartiers chauds et pauvres. Je comprends cette souffrance, ce rythme, cette énergie. Je porte les blessures de ma génération. La rébellion de Bahta dans le contexte du film devient de plus en plus animale et forte.

Africiné : Privilégiez-vous davantage la technique ou le travail intérieur ?

Lotfi Abdelli : Je ne me considère pas comme un comédien. Je suis instinctif et ouvert. Mes références, ce sont les gens de la rue.

Africiné : Combien de temps avez-vous mis pour rentrer dans le personnage ?

Lotfi Abdelli : Six mois avant de commencer le film et bien sûr les trois mois de tournage.

Africiné : Nouri Bouzid est-il très dirigiste ou bien laisse-t-il une liberté de jeu ?

Lotfi Abdelli : Il dirige beaucoup ses acteurs en laissant une grande part de liberté, car il sait que le comédien ne peut exceller que lorsqu'il a cette liberté. Mais il met dans le bain et l'univers du film. Il te cadre et te donne l'essentiel.

Africiné : Vous ne vous sentez pas étouffé par tout ça ?

Lotfi Abdelli : Non, j'aime bien qu'on me donne cette liberté : cela veut dire que Nouri pensait que j'étais à la hauteur.

Africiné : Sans la danse, auriez-vous pu mettre autant d'énergie dans votre personnage ?

Lotfi Abdelli : Non, je ne crois pas, car c'est le rap, le mouvement de la rue, la rébellion. Ce personnage ne réfléchit pas, il réagit. Un danseur qui vient de la rue est plus facilement endoctrinable.

Africiné : Sa métamorphose n'est-elle pas instinctive mais réfléchie ?

Lotfi Abdelli : Bahta a refusé toute autorité. Il aime au début et se rebelle ensuite, jusqu'à la mort.

Africiné : Avez-vous une relation particulière avec Nouri Bouzid ?

Lotfi Abdelli : On est très potes. J'avais déjà fait Poupées d'argile : on entretient de bons rapports de réalisateur à comédien.

Africiné : Le film vous a-t-il mis en danger face aux Islamistes ?

Lotfi Abdelli : Non, pas encore car les Musulmans intelligents ont compris que ce film montre que l'Islam n'est pas le terrorisme. Jusqu'à présent, tout va bien.

propos recueillis par
Fatoumata Sagnane (Guinée) et Dieudonné Motchosso Kodolakina (Togo)

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