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Quand une femme se décide
Djanta, de Tahirou Tasseré Ouédraogo (Burkina faso)
critique
rédigé par Ludovic O. Kibora
publié le 16/03/2007

Djanta est une jeune étudiante en lettres modernes, qui s'acharne à écrire un roman dans lequel elle raconte l'histoire de sa vie. Après six ans d'études en ville, et suivant les conseils du prêtre, elle décide de rentrer au village pour revoir la famille. Là-bas, son père tient à l'offrir en mariage à Baldé un vieil homme, de même âge que lui. Que doit faire Djanta pour marquer d'une pierre blanche le combat pour l'émancipation de la femme africaine, qui subit le lourd poids des coutumes rétrogrades ?
Voilà en substance l'interrogation à laquelle tente de répondre Djanta, le premier long métrage du réalisateur burkinabè Tahirou Tasseré Ouédraogo. Cette opposition entre ville et village, met à l'écran un thème longtemps ressassé par la littérature et le cinéma africain. Le mariage forcé, la condition de la femme, du rapport tradition/modernité, autant de thèmes qui se bousculent dans cette fiction tournée en 2006. Dans une description linéaire et pleine de clichés invraisemblables.
Le réalisateur fait une peinture quelque peu caricaturale d'une société africaine. Le prêtre et son église catholique sont magnifiés tandis que le père de Djanta, qui symbolise la culture des ancêtres est présenté comme un rustre et barbare, qui n'à aucune considération pour son épouse et sa progéniture. Pour lui, elles ne valent pas mieux que du bétail acquis au marché. Une expression artistique qui, si elle avait été faite par un réalisateur européen ne manquerait pas d'alimenter l'ire de nombreux cinéphiles, même si on concède que des exemples négatifs de ce genre existent.
Djanta est un personnage complexe et contradictoire, qui se veut libre et "branché" dans un environnement moderne. Malgré son niveau d'instruction, elle ne parvient pas à résister aux forces rétrogrades du village. Sa copine ne vaut pas mieux, lorsqu'elle estime que le tuteur de Djanta (le prêtre) aurait dû résoudre le problème socio-culturel de Djanta avant de mourir. Pour des intellectuelles africaines, ça fait tout de même bizarre. Elles donnent plutôt l'image de femmes résignée, lorsque dans la même situation une de leur sœur restée au village tente plutôt de se suicider que d'accepter le mariage forcé.
Dans une telle atmosphère, les pleurs à répétition de Djanta, loin d'émouvoir le spectateur, l'ennuient. Comme les longs dialogues du film, souvent trop correctes, au point de manquer du naturel et qui enlèvent toute allure métaphorique à la présentation du scénario à l'écran. Pourtant, le traitement d'un thème aussi suranné que celui du rapport entre tradition et modernité, nécessite une bonne dose d'originalité pour aiguiser les envies.Malgré le charme de l'actrice principal et de certaines de ses camarades, le film n'échappe pas aux lieux communs où les rebondissements manquent de suspens.
La lenteur du déroulement de l'intrigue soutenue par une musique pas terrible, la longueur de certaines séquences qui auraient mieux été rendues en flash, cache mal le désir du réalisateur de faire des clins d'œil à l'endroit de choses qu'il apprécie personnellement. Tantôt c'est le soutien évident à une vedette de la chanson certes à la mode, tantôt c'est chapeau bas aux actions de la gendarmerie nationale en matière de lutte contre l'insécurité qui ne traduit pas forcement la réalité, comme l'hélicoptère. Dans ce film, certains plans donnent l'impression d'être de trop, toutefois l'actrice principale se débrouille bien pour un premier rôle au cinéma.
Le discours au profit de la promotion de la femme africaine est sans ambages. Cependant, certaines scènes pêchent par un manque de réalisme évident. Le prêtre sauveur des pauvres paysannes opprimées qui partage sa couche avec des cafards, l'hélicoptère qui débarque en pleine brousse pour évacuer une malade quand on sait que, assez souvent, ces zones ne disposent même pas de moto ambulance, une étudiante du niveau intellectuel de l'héroïne aux poings liés aux geôliers de la tradition, etc.
Lorsque la camera se rapproche de certains visages féminins, seule la beauté semble être mise en avant au lieu des sentiments du personnage. La lecture de l'image n'est pas non plus favorisée par de légers problèmes de montage qui donnent lieu à des ruptures fréquentes entre les plans. Tahirou Tasséré Ouedraogo a débuté sa carrière cinématographie avec Le chauffeur du député en 2000, puis il a réalisé successivement Le retour de la main habile et Warba Dance, des courts métrages de bonne facture. Il vient de tenter un passage difficile au long. Métrage. Ceci traduit un désir ardent de s'affirmer dans les arènes du 7ème art. "C'est bon, mais ce n'est pas arrivé !", comme on dit au Pays des hommes intègres, telle est l'impression qui nous anime au sortir de Djanta.

Ludovic Kibora (Burkina Faso) et Fatoumata Sagnane (Guinée)

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