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Au procès de l'arbitraire
Entrevue avec Abderrahmane Sissako
critique
rédigé par Godefroy Macaire Chabi
publié le 20/03/2007
Godefroy M. Chabi
Godefroy M. Chabi
A. Sissako
A. Sissako

En 2003, Abderrahmane Sissako reçoit le Grand Prix du FESPACO avec Heremakono (En attendant le bonheur) qui traite de la thématique de l'immigration. En 2007, il revient à Ouagadougou avec Bamako (La cour). Une autre thématique qui, cette fois-ci, met le pied à l'étrier et fait un sérieux réquisitoire contre les institutions internationales, type Banque mondiale et Fonds Monétaire International. Leur responsabilité dans les malheurs de l'Afrique est fortement mise à l'index dans ce long métrage.

Pourquoi Bamako, pourquoi pas une autre capitale africaine ?

Je pense que Bamako est un lieu qui a rendu ses paroles et ses prises de positions possibles. Je l'ai appelé Bamako aussi pour attirer l'attention des gens sur l'existence d'une conscience africaine à travers sa société civile. Des fois, on a l'impression que la société civile n'existe pas. Moi, je veux dire qu'au-delà des politiques africaines qui ont leurs grandes responsabilités, il y a une autre Afrique consciente qui veut s'en sortir.

Dans Bamako, on fait le procès des institutions de Bretton Woods. C'est une espèce de témérité non ?

Vous savez, chacun se bat à sa manière et apporte sa pierre à l'édifice. Celui-ci peut être un pays, comme il peut être un continent. Quand on est artiste du moment, on doit se positionner. Car c'est le rôle de l'artiste que de rendre le réel visible et compréhensible pour les gens. J'ai besoin de dire ces choses là comme d'autres le font dans d'autres domaines.

La scène se déroule dans une concession et dans l'indifférence totale de ceux qui y vivent. Pourtant ça n'a aucun lien avec la dette et la privatisation. Pourquoi avoir choisi ce décor ?

Je crois qu'il n'y a pas d'indifférence. Il y a attention. Moi, j'ai décidé de me placer dans une cour qui est une société en miniature. La vie dans tous les sens qu'elle soit positive ou négative. C'est important de quitter le cadre classique. Ce qui est important, c'est de dire qu'il est possible de changer les choses. Et c'est à nous de le faire. Même si c'est un procès qui vise beaucoup plus les institutions internationales, je suis conscient qu'il y a une co-responsabilité dans ce qui arrive à notre continent. Peut-être même que la responsabilité africaine est encore plus grande.

Mais on ne voit pas transparaître cela nettement dans le film !!!

On a souvent tapé sur les responsables africains. Moi mon rôle n'est pas de revenir à la charge. J'ai voulu montrer la responsabilité des institutions internationales et expliquer que rien n'est prévu pour contester les systèmes de développement qui rendent les gens de plus en plus pauvres.

Est-ce que ce film a changé quelque chose ?

Les institutions internationales sont au courant. Un film n'est jamais "contre", mais construit "quelque chose". La balle est dans le camp des institutions d'accepter le dialogue, le partage réel, de donner plus de souveraineté aux États. C'est un film qui interpelle et j'ose espérer que les institutions feront quelque chose

Vous citez directement Georges Bush, Paul Wolfovitch… alors que le film est supposé être une fiction !!!

Moi je veux que ce soit quelque part de la réalité. Partir d'aujourd'hui pour construire demain est mon souci. Certains veulent diriger le monde de façon autoritaire, de façon unilatérale et ce n'est pas juste. Ce n'est pas normal que ce continent, qui n'est pas du tout pauvre, soit dans cet état et qu'il ne soit pas associé à la distribution de ses richesses. Ce n'est pas normal que les multinationales du Nord profitent injustement des richesses de ce continent.

Aucune sentence n'est prononcée dans ce procès. Il n'y a donc pas de solution ?

C'est pour cela que je dis que l'art n'a pas pour objectif de changer tout de suite les choses. Ce qu'on propose c'est une réflexion.

Propos recueillis par
Godefroy Macaire CHABI (Bénin)

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