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L'histoire d'Abidjan
La bataille d'Abidjan, de Didier Fassio (France)
critique
rédigé par Bassirou Niang
publié le 20/03/2007

Ce ne serait que trop juste si l'on comparait Abidjan à Hélène dans La guerre de Troie. La belle a tellement de prétendants qu'elle en finit par souffrir de leurs tiraillements. C'est le documentaire de 52 minutes de Didier Fassio, La bataille d'Abidjan, qui nous en donne le sentiment. A vrai dire, il s'agit pour le réalisateur de montrer comment la concurrence et les antagonismes ont fini par amener la capitale économique de la Côte d'Ivoire à vivre une instabilité ; laquelle conduira à la division du pays.

D'entrée de jeu, Didier Fassio campe le décor en convoquant l'histoire. En usant d'images d'archives, il fera la genèse de la construction du port d'Abidjan inauguré en 1953 par le président François Mitterrand, à l'époque ministre de la France d'Outre Mer. Ce port jouait un rôle des plus essentiels pour la France et vitale pour les pays limitrophes enclavés comme le Mali et le Burkina Faso. Le réalisateur observe un recul en nous montrant comment cette bataille a débuté avec un soutien à Charles Taylor de certains pays comme la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso. À travers les éclairages d'Antoine Glaser de La lettre du continent, il montre la contribution de certains pays limitrophes : soit en armes, soit par l'envoi de mercenaires. Les mines de diamant de la Sierra-Léone et les richesses du Libéria ont donné des appétits aux grandes puissances et à certains pays de la sous-région au point de tisser des connivences.
Seulement, l'évènement catalyseur sera la mort d'Houphouët Boïgny en 1993. Ce qui conduira au surchauffement du climat sociopolitique. Le concept d'"ivoirité" voit le jour et charrie tous les malheurs auxquels sera confronté le pays des lagunes. La purification ethnique n'épargnera pas l'armée. L'arrivée du général Robert Gueï au pouvoir par les armes fera naître un espoir dérisoire. Le pays prend le chemin d'une guerre civile à la libérienne que la France empêchera en s'interposant entre belligérants. Le réalisateur use de cartes géographiques pour donner les positions des deux frères ennemis et interrogera des spécialistes de l'histoire comme Christian Bouquet, historien à l'Université de Bordeaux 3, et Mme Aminata Traoré, ancien ministre malien de la culture ; mais se garde de nous faire voir les images de cadavres en choisissant de les remplacer par les photos des personnes présentes au cœur de la question.
Mais le plus effarant sera c'est le boom médiatique : des journaux naissent et prennent partie. "À Abidjan, dit le commentateur, chaque camp peut compter sur son journal". La littérature et la musique connaissent un nouveau souffle. La crise s'exacerbe à cause de la presse, selon Serge Daniel de Rfi. Quant à Théophile Kouanouo, rédacteur en chef du Courrier du jour, il s'en prend à la France, encline à verser dans une sorte de "paresse intellectuelle quand il s'agit des questions africaines". Le désir de s'affranchir est là. Et par-delà cette réalité, il existe une nouvelle donne : la guerre des multinationales. La Chine, la France, les États-unis… se bousculent.
Le réalisateur pèche tout de même dans la mauvaise qualité du montage, par l'usage de plans trop serrés avec des mouvements de caméra maladroits. De plus, il ne donne pas la parole, au contraire d'un des proches des Forces Nouvelles, à une personne identifiée comme étant partisan de Gbagbo.

Bassirou NIANG (Sénégal)

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