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Enseignements et perspectives d'une fête
20ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouaga (FESPACO)
critique
rédigé par Maman Sani Soulé Manzo
publié le 29/03/2007

204 films projetés – dont, en compétition, 18 longs métrages, 16 courts métrages, 16 documentaires, 17 TV-vidéos, 7 séries et sitcoms ainsi que 7 au Prix Paul Robeson – plus de 5.000 festivaliers : tels sont quelques-uns des chiffres de la 20ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) organisée du 24 février au 3 mars 2007 au Burkina Faso. Placée sous le thème de "Cinéma africain et diversité culturelle", cette 20ème édition a été parrainée par le célèbre saxophoniste camerounais Manu Dibango, auteur de musiques de films à ses heures.

La journée continue avait été décrétée du 24 février au 3 mars 2007 par le Président Blaise Compaoré pour permettre aux salariés du Burkina Faso de vivre les temps forts de la 20ème édition du FESPACO créé en 1972 sur les cendres de la Semaine du cinéma africain (initiée en 1969) et devenu plus tard biennal. Les Burkinabès n'en demandaient pas tant, surtout que plusieurs innovations ont rehaussé l'éclat de la 20ème édition du FESPACO. Ainsi, après les Prix Paul Robeson de la Diaspora africaine, les Prix Tv-vidéo, les Prix Séries et Sitcoms ainsi que d'autres prix spéciaux, le FESPACO vient d'instituer des Prix du Film documentaire (lire sur le site www.africine.org les réflexions consacrées au film documentaire à Ouaga); de même, après le Marché international de la télévision et du cinéma africains (MICA) - qui en est à sa treizième édition en marge du FESPACO -, il existe dorénavant des fora "Films d'écoles", "Espace Junior", "Femmes battantes", sans compter les "Panoramas", "Focus", "Rétrospectives" et bien d'autres manifestations. Ajoutez-y le siège flambant neuf du FESPACO qui vient d'être inauguré sur l'avenue du Kadiogo à Ouaga et le projet de la cinémathèque africaine en projet et vous aurez une idée des moyens déployés pour réussir la 20ème édition du FESPACO.

Naturellement, en marge des projections de films, plusieurs ateliers, conférences–débats, discours et autres expositions ont eu lieu à Ouaga : on y a, par exemple, discuté de la problématique de la production, de la distribution et de la diffusion des films tout comme de la formation des hommes et femmes de cinéma aux nouvelles technologies et de la diversité culturelle.

Tout aussi naturellement, l'occasion a été mise à profit par des producteurs du Nord et des responsables d'autres festivals de cinéma (Vues d'Afrique du Canada, Festival international du film d'Amiens en France, trois festivals italiens - Cinema Africano de Milan, Panafricana de Rome et Cinéma africain de Vérone, Rencontres du cinéma et de la télévision de Lomé au Togo, etc.) ainsi que des responsables d'autres manifestations artistiques africaines (6ème édition du Festival panafricain de musique prévue du 7 au 14 juillet 2007 au Congo Brazzaville, 3ème Festival mondial des arts nègres prévu du 1er au 22 juin 2008 au Sénégal, etc.) pour "vendre" leurs images auprès des artistes et de la presse réunis au Burkina.

Réviser les proportions du FESPACO

Mais, cette profusion d'activités in et off, qui donnent la mesure du gigantisme du FESPACO, donne à réfléchir. Certes, "nous enregistrons au FESPACO de plus en plus de grands films de jeunes réalisateurs", exulte Dani Kouyaté, le président de la Guilde des réalisateurs, songeant sans doute au Nigérian Newton Aduaka qui vient de remporter l'Étalon d'or du Yennenga 2007. Mais, "il faut limiter à douze (12) le nombre de films longs métrages de fiction pour permettre au jury de l'Étalon du Yennenga de juger les œuvres dans les meilleures conditions techniques et sans précipitation", prévient Bassek Ba Khobio, le président du "Jury Compétition Longs métrages de fiction" de l'édition 2007 du FESPACO. Ces jugements seraient-ils les seuls qu'ils suffiraient à cerner les enseignements du 20ème FESPACO et les perspectives qui s'ouvrent à ce festival et, partant, au cinéma africain qui sont à la croisée des chemins.

Le fait est que les proportions du FESPACO doivent être révisées, surtout dans un environnement où la distribution/diffusion et même la production des films posent problème. Au Burkina Faso même, seules quinze (15) grandes salles de projection sur les 45 que comptait le pays marchent et il a fallu que la Caisse nationale de sécurité sociale mette la main à la poche pour rouvrir Ciné Burkina, l'une des plus célèbres salles de Ouaga en vue de cette 20ème édition du FESPACO. Pire, les salles du Ciné Burkina, du Ciné Neerwaya et du Ciné Oubri n'ont pas tout à fait été à la hauteur de l'attente des cinéastes ayant leurs films sur support numérique DVD et les coupures d'électricité n'étaient pas rares durant le FESPACO. Que dire alors des autres pays, lorsqu'on constate ce phénomène dans la "capitale du cinéma africain" ?

D'autre part, à cause du gigantisme de la manifestation, le Comité d'organisation de la 20ème édition du FESPACO comprenait au moins vingt-neuf commissions ! Des commissions aussi importantes que celles chargées des Accréditations, Programmation de la Régie des films et Transport ont travaillé à grand-peine, au grand dam de nombreux festivaliers… Enfin, le retour en force des célèbres "Journées cinématographiques de Carthage", le tout premier festival du genre en Afrique, créé dès 1964 en Tunisie, ainsi que l'existence d'autres carrefours de rencontres et d'échanges sur le continent africain (Algérie, Maroc, Niger, Togo, etc.) doivent faire réfléchir les organisateurs du FESPACO, tout comme la timide mais remarquable percée du cinéma africain dans les temples du 7ème Art que sont Cannes en France et Hollywood aux États-unis. Pour donc asseoir davantage le FESPACO et favoriser dans le même temps l'affirmation des festivals plus spécialisés, par ces temps où la diversité culturelle est proclamée urbi et orbi par l'OIF (Organisation de la Francophonie) et l'UNESCO, les moyens, tous les moyens, doivent être concentrés sur la recherche de l'efficacité maximale en vue d'assurer une meilleure visibilité au cinéma africain, afin de mieux l'imposer dans le concert des Nations.

La pierre de touche du FESPACO

C'est pourquoi, pensons-nous, le FESPACO doit concentrer ses efforts sur les films courts et longs métrages, sur les films documentaires et sur les grands débats de l'heure : la formation des réalisateurs et techniciens de cinéma (cameramen, monteurs, projectionnistes, etc.) aux NTIC, les droits d'auteur, la diffusion et la production. Là est la pierre de touche ! Le reste, tout le reste, peut être délaissé aux autres pays comme le Niger qui disposent de centres de formation aux métiers du cinéma et de la télévision connus et reconnus comme le Cameroun, le Niger et le Sénégal ou qui déploient des efforts pour institutionnaliser des festivals très originaux.

Passe donc que Ouaga veuille ouvrir une "salle de projection cinématographique de référence" - comme l'a du reste souhaité le président du "Jury Compétition Longs métrages de fiction" de l'édition 2007 du FESPACO. Passe même que Ouagadougou ouvre des maisons de production et des écoles de cinéma à tour de bras. Mais, il faut ramener le FESPACO à hauteur d'homme – ce qui permettrait aussi aux cinéastes, cinéphiles et critiques cinématographiques d'évoluer dans des conditions optimum. Pour le triomphe du FESPACO et du cinéma africain.

Après cette 20ème édition – où l'absence du Sénégalais Sembène Ousmane, dont un prix porte désormais le nom, était remarquée de tous – nul doute que la 21ème édition du FESPACO, prévue du 27 février au 8 mars 2009, devrait nous édifier sur le fait de savoir laquelle de la force d'inertie ou de l'innovation de fond du FESPACO l'emportera.

Sani Soulé Manzo,
Envoyé spécial à Ouaga

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