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Quand l'eau rencontre le feu…
La colère des dieux, de Idrissa Ouédraogo (Burkina Faso)
critique
rédigé par Sitou Ayité
publié le 03/04/2007

Le film

Cet émouvant drame de 90 min que nous présente le burkinabé Idrissa Ouédraogo nous raconte l'histoire de Salaam, enfant adultérin, né dans une famille royale après que sa mère soit enlevée par le roi Tangua. Découvrant la vérité, Tangua veut éliminer Salaam malgré l'avertissement du griot…
On assiste tout au long de cette fiction un aller-retour dans le monde "oppresseur et opprimé". Tangua est l'oppresseur et le feu ; il abuse de son pouvoir et fait ce qui lui plaît. Il est plus préoccupé par son plaisir personnel que par le bonheur de son peuple. Les malheureuses victimes que sont les parents de Salaam n'ont rien pu faire contre son pouvoir. C'est alors que le réalisateur fait véritablement entrer Salaam en scène. Il a la force de l'eau. Le réalisateur montre par lui ce que la haine et la soif de justice peuvent faire. Salaam est là pour retourner la situation. Mais entre ces 2 partis, le réalisateur scénariste a su mettre un pont en la personne d'Aliaré interprété par un comédien, non des moindres : Rasmané Ouédraogo, dans un rôle modeste et significatif. Il est pour la cause juste. Il manierait plus sagement le pouvoir que Tangua, mais le réalisateur a trouvé bon de lui donner le rôle de conseiller. Ce rôle finit bien tôt dans le film mais aide énormément la partie opprimée. Salaam et sa mère échappe de justesse à la colère du roi qui veut les liquider. On se demande ce que veut dire ce rire moqueur quand son arrêt de mort a été prononcé par Tangua.
Les parents de Salaam sont assassinés sous ses yeux lorsqu'il n'était qu'un gosse, il n'avait aucune force pour se battre. Le climax est atteint lorsque toute la famille de celle qui deviendra sa compagne y est elle aussi passée. "Je veux que mes parents soient vengés, ramène moi la tête du roi" cette fois, Salaam n'est plus un gosse mais un homme bien bâti. Il est nécessaire de souligner ce superbe flash forward de Salaam et de sa compagne. Je n'étais pas la seule, toute la salle de cinéma murmurait ; cet effet spécial n'a pas laissé inaperçu même les novices. Ce saut dans le futur, les pieds nus à la poursuite de l'aigle au cou blanc, nous fait sentir cette soif de justice. Pour vous qui aimez le mélange de mythe et de la réalité, vous êtes servis !
La colère des dieux a été le film d'ouverture au FESPACO 2003. Il était malheureusement hors compétition. "Malheureusement" parce que cette fiction est tout à fait "étalonnable". Dommage, notre cher Idrissa Ouédraogo était le président du jury cette année.

La forme

On n'oubliera pas les costumes dans ce film. Des chevaux aux êtres humains, rien n'a été laissé au hasard. Les chevaux du roi et de Salaam ont été soigneusement décorés. La garde royale est vêtue de culotte et ils ont le torse presque nu pour montrer à la fois la force et la soumission. Seul le roi, son entourage et quelques privilégiés, ont un pantalon, des chemises et des chaussures.
Le réalisateur n'a rien oublié des traits africains, tous les acteurs le témoignent : cheveux crépus, nattés ou cachés dans un pagne, la peau noire, le nez fort et les dents blanches. Les gros plan montrent un visage non maquillé ou légèrement, des larmes tout aussi réelles que le sourire fier du père de Salaam. Le film est sous titré pour exprimer plus les émotions. Tout ceci a été mis dans un beau décor africain.

Le fond

Pourquoi le réalisateur fait intervenir les dieux dans son film ? Est ce parce qu'ils sont les seuls à savoir manier le pouvoir ?
Sous une face cachée, Idrissa Ouédraogo semble montrer :
- premièrement, une Afrique (représentée par Salaam) opprimée par ses propres pouvoirs (représentés par Tangua). On a vu ce que Tangua a fait de son pouvoir royal ; il a tué tous ceux qui s'opposaient à lui, à savoir son beau père et même son oncle. On dirait que c'est seul le "méchant" qui a ce droit mais là encore le réalisateur nous surprend ; Salaam, le héros, tue l'aigle au cou blanc qui lui a donné les 4 pouvoirs…
Heureusement que cette Afrique a pu venir à bout d'elle-même. Salaam tue Tangua.
- deuxièmement, une Afrique opprimée par le pouvoir colonial. "L'ingratitude" de Salaam, comme l'a dit l'aigle au cou blanc, lui fait perdre l'acquisition du 5ème pouvoir. La fin de ce film qui retient toute notre attention chute sur deux interrogations : l'Afrique est elle venue à bout du pouvoir colonial ? Aujourd'hui a-t-on ou pas le 5ème pouvoir ?

Des défauts ?

À peine perceptibles.

Sitou Ayité

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