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Le merci de la caméra au cœur
Juste un petit peu d'amour, de Jemima CATRAYE (Bénin)
critique
rédigé par Médard Gandonou
publié le 16/04/2007

Juste un peu plus de 26 minutes auront suffi à Jemima CATRAYE pour encourager les bonnes volontés qui s'investissent dans le social en y mettant de cœur. Amour, chaleur familiale, disponibilité, regard maternel…à l'écran. A priori on se croirait dans l'intimité d'un foyer familial. Erreur ! Juste un petit peu d'amour aura été le film documentaire qui a réussi en moins d'une demi-heure, l'exploit de faire confondre l'atmosphère de vie d'une dame dans un foyer d'intégration sociale des personnes handicapées mentales avec l'ambiance d'une famille heureuse. Quand une secrétaire de direction sacrifie sa formation pour se mettre au service, depuis une vingtaine d'années, de l'intégration dans la société des personnes handicapées mentales, la résolution ne pourrait qu'être l'œuvre de l'amour humain. En fait c'est cette aptitude singulière de Mme Claudine Lawson Daïzo à mettre beaucoup de cœur au service de son centre qui lui a permis d'attirer la caméra de la réalisatrice Jemima CATRAYE et d'être le personnage principal de son film documentaire.
Si c'est juste un petit peu d'amour qui aura permis à Mme Daïzo d'occuper les écrans, c'est beaucoup plus l'effort pour un travail professionnel dans le cinéma qui aura permis à la réalisatrice du film documentaire de remporter pour cette œuvre le prix Encouragement du jury à la 5e édition du Festival International de Film de Ouidah (Bénin). C'est d'ailleurs à ce rendez-vous de films tenu au pays de la réalisatrice que celle-ci aura décidé de projeter pour une première fois son film documentaire réalisé seulement en décembre 2006. Mais à travers ce film, Jemima n'aura, aux yeux des Béninois, fait que changer de position dans ce vaste monde de cinéma. Personnage d'écran, elle a prouvé qu'elle peut être tout autant efficace derrière les caméras. En effet, elle jouissait d'une parfaite notoriété comme animatrice de télévision, actrice de téléfilms populaires tel que Un tour de vis sur la chaîne nationale.
Mais dans sa nouvelle peau, entre la réalisatrice et son personnage principal, qui mérite le merci de l'autre dans la réalisation de cette oeuvre? C'est la forte émotion que les privilégiés spectateurs de la première projection de ce film documentaire ont partagée à la suite des impressions post-projection données par la réalisatrice Jemima Catraye et son personnage principal Mme Lawson Daïzo. Entre l'existence du cœur et celle de la caméra, à qui le spectateur accordera-t-il la prééminence ?
La réalisatrice quant à elle, sur la question, ne s'embarrasse pas. Elle a su user de la caméra pour mettre en valeur, la profondeur psychologique des actes et gestes de son personnage principal à l'égard des internés de son centre. Chaque instant que Mme Lawson Daïzo passe avec les enfants de son centre constitue des périodes d'intenses plaisirs. "C'est des moments privilégiés…", précise-t-elle.
Le retour de la caméra de Jemima dans le foyer de son personnage principal aura beaucoup contribué à dissiper nombres d'interrogations chez des spectateurs qui, face à la disponibilité totale de Mme Daïzo dans son centre, peuvent commencer par s'interroger sur sa vie conjugale. La séquence du documentaire sur la vie conjugale aura été le ferment qui a fait monter le degré d'admiration du public pour le travail de Mme Daïzo. C'est seulement par ce séjour dans le foyer de Mme Daïzo que le spectateur s'est rendu compte du niveau d'implication et de consentement de son mari dans son sacrifice quotidien. À ce titre, le témoignage du mari aura permis à la réalisatrice de renforcer cette admiration naissance chez le spectateur. Quand avec sourire et grande complicité, Monsieur Daïzo précise à propos de l'engagement de son épouse : "c'est devenu une passion pour elle…", la déclaration ne peut que faire apprécier au spectateur l'effort qui échoit à cette dame dans la satisfaction de ses devoirs au sein de son foyer conjugal de sept enfants et de son "foyer de travail" fait d'une multitude de personnes handicapées mentales.
Une vie à son œuvre, la réalisatrice a su également la donner par un recours constant à Jeanne Alofa, une collaboratrice, belle animatrice, qui n'a point attrapé de complexe face à la caméra. L'insertion de séquences de réjouissances animées par les "handicapés mentaux" sur des aères contemporains avec toute la naïveté et l'ignorance rythmique qui les caractérisent, a pu décrocher un brin de rires aux spectateurs déjà investis par la situation de chagrin des malades et de leur famille. Des instants qui ont bien contrasté avec la lourde atmosphère régnant dans la salle noire.
Mais le documentaire aurait laissé le spectateur sur sa soif s'il n'avait pas permis au tiers bénéficiaire des œuvres de Mme Daïzo de l'apprécier. Les témoignages des parents de malades auront été des instants particuliers qui, à eux seuls, suffisent à justifier la réalisatrice dans le choix de sa thématique et de son personnage principal.
En 26 minutes18 secondes, Mme Jemima Catrayé a su réaliser un documentaire qui a pu concentrer personnages, témoignages et instants importants à même de justifier la motivation de la réalisatrice dans l'entreprise de ce film documentaire.
Néanmoins, les moments d'intenses manifestations d'amour n'ont pas reçu le soutien d'un fond musical. L'absence de la musique en fond sonore a fait défaut dans l'embarquement du public aux moments de forte compassion et de joie. Cela n'a pas manqué dans une certaine mesure, d'amoindrir les effets de certaines scènes du film. Par ailleurs, le recours constant, à la limite excessif, à la collaboratrice Mme Jeanne Alofa a, quelque peu, remis en cause chez le spectateur, la réelle disponibilité de Mme Lawson Daïzo. La collaboratrice, par sa prépondérance à l'écran, s'étant presque imposée comme, réellement plus proche des "malades".

Médard Gandonou

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