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"Le cinéma africain n'est pas encore né"
Jean-Pierre Bekolo, cinéaste camerounais
critique
rédigé par Bassirou Niang
publié le 18/04/2007

Le discours sur l'Afrique doit parler d'avenir, pour enfin revêtir un cachet d'optimisme. Voilà qui explique le choix d'un "film d'anticipation". Lequel permettrait de poser un regard nouveau sur l'Afrique par le truchement de jolies corps de femmes.

"Je sens que le saut du futur permet de spéculer", c'est Jean-Pierre Békolo, le réalisateur du film Les Saignantes qui s'exprime juste après la projection de son film ce vendredi 02 mars 2007 au cinéma Le Burkina. Un long métrage qui fera naître des appréciations divergentes tout en donnant l'occasion d'inaugurer un nouveau discours sur le cinéma africain. Son intention, comme il le révèle, est à travers ce film, de parler de l'Afrique au futur. "À chaque fois qu'on parle de l'Afrique, on parle du présent", dit-il. À l'en croire, la question était alors de savoir "comment faire un film d'anticipation dans un continent où l'on ne parle pas d'avenir". Son film censuré à sa sortie au Cameroun parce que jugé "pornographique et contre le régime" par une commission dont les femmes étaient absentes, n'en continue pas moins de délier les langues : les images véhiculées étant jugées insoutenables et contraires à la conception africaine de la nudité. Le corps dévoilés des héroïnes n'est rien d'autre qu'un prétexte pour s'exprimer. D'ailleurs il s'étonne de constater que dès que c'est la femme qui est mise en scène, "tout le monde s'en mêle : l'Église, la politique…".
Le réalisateur, lui, se fait une logique : il ne sert à rien pour le cinéaste de faire un film en fonction du public : en évoquant des raisons commerciales, on en vide le sens. "La plupart des cinématographies sont nées pour répondre à un besoin", laisse-t-il entendre le réalisateur qui trouve que véritablement "la force cinématographique – africaine – n'est pas encore née".
Quant au choix de la nuit dans Les Saignantes, il est fait de manière délibérée. "En Afrique, l'optimisme n'est pas toujours rationnel. Il faut des éléments pour que cet optimisme existe. Si l'on ne fait rien, il n'y aura pas cet optimisme. Évidemment, j'aurai voulu faire le film le jour. Mais tant que c'est la nuit, il faut dire que c'est la nuit", soutient-il. Pour lui, le temps est venu de cesser de "divertir les enfants". "Il faut aussi les éduquer", croit-il.
Mais pour Bekolo, il s'agit aujourd'hui pour nous de nous demander ce que nous voulons faire de notre cinéma. Et d'après lui, le cinéma africain non seulement "n'est pas défini", mais en plus "n'existe pas dans le formel" puisque n'étant "pas encore né". Il est plutôt sous l'influence des Ong qui en décident du contenu. Voilà qui le pousse à innover dans le style qui d'ailleurs, pense-t-il, est "un problème à résoudre". "L'Afrique n'est pas belle dans les images qu'on nous en montre. C'est pourquoi j'ai choisi de mettre de belles filles dans mon film", tient-il à préciser.

Bassirou Niang

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