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"Qu'on nous montre le vrai visage de l'Afrique !"
entretien avec Rokhaya Niang, actrice
critique
rédigé par Bassirou Niang
publié le 07/05/2007

Elle s'appelle Rokhaya Niang. Elle est Sénégalaise. Actrice formée sur le tas, elle n'a jamais eu le privilège de fréquenter une école de cinéma. Ce qui ne lui a pas empêché de remporter le prix de la meilleure actrice en Belgique et à Carthage. Le Prix du pardon de Mansour Sora Wade sera l'occasion pour elle de faire son baptême du feu. Ensuite suivront des rôles dans Madame Brouette et Téranga Blues. Dans cet entretien, elle nous dit son sentiment sur le cinéma africain et sur celui du Sénégal.

Quel regard vous posez, en tant que jeune actrice, sur le cinéma africain ?
Il reste beaucoup à faire. Au Fespaco 2005, au contraire des Sud-Africains, pour toute l'Afrique de l'Ouest, il n'y avait que deux films. C'est dire que la production cinématographique en Afrique de l'Ouest a baissé. Cela dit, les cinéastes devraient, je pense, se réunir, voir les problèmes auxquels ils sont confrontés et créer une synergie. On en a marre de voir des images d'une Afrique en proie au Sida ou bien d'une Afrique avec ses cases et calebasses. C'est pourquoi je pense qu'il faut revoir le contenu.

Justement, quel doit être le contenu de ce cinéma ?
Qu'on nous montre le vrai visage de l'Afrique ! On ne peut pas continuer à se plier aux exigences des gens du Nord qui financent la plupart de nos films. Quand quelque chose dans le scénario ne milite pas en leur faveur, ils vous demandent de le réécrire en fonction de leurs visions propres. Cela doit cesser. Il est temps que nous nous imposions en montrant à la face du monde que nous avons des grands réalisateurs capables de faire des films de qualité en phase avec nos propres réalités. Par conséquent, les États africains doivent jouer un rôle primordial dans le soutien aux cinématographies africaines. Ils n'investissent pas dans le cinéma africain parce que malheureusement ils n'y croient pas. À Dakar, l'on préfère mettre ses sous dans la construction d'un immeuble plutôt que de financer un réalisateur. La raison relève peut aussi être d'une certaine méconnaissance du rôle véritable du cinéma. Au Maghreb, le cinéma bénéficie d'un appui conséquent des pouvoirs publics. Ce qui lui assure une certaine indépendance. On devrait imiter cet exemple.

À vous entendre, l'avenir du cinéma africain passe par son indépendance. Mais est-ce que cette indépendance peut être une réalité ?
Disons qu'il y a une autonomie qui tend à devenir réalité avec l'arrivée des Canadiens dans la production de films africains. Non seulement, ils n'imposent pas vraiment leurs vues aux réalisateurs africains, au contraire des Français, de plus dans la plupart des cas, ils financent entièrement les films. Cela donne une certaine marge de manœuvre à nos cinéastes.

Qu'avez-vous à dire du cinéma sénégalais d'aujourd'hui ?
Ce que je constate, c'est que le cinéma sénégalais était leader en Afrique. Mais aujourd'hui, la réalité est que c'est le déclin. Dans certains pays africains, l'on produit cinq films par an, pendant ce temps chez nous au Sénégal, c'est un film tous les deux voire tous les trois ans. Et ce qui est dommage aujourd'hui, c'est qu'on a fermé beaucoup de salles de cinéma, tandis que d'autres sont transformées en centres commerciaux. Ensuite, après la mort de Djibril Diop Mambéty, seul Sembène était là pour tourner, et personne d'autre. C'était la léthargie jusqu'à ce qu'arrive Mansour Sora Wade. Il y a quand même de l'espoir d'autant plus qu'il y a aujourd'hui une race de jeunes réalisateurs qui en veulent et en qui j'ai confiance pour l'avenir. Il appartient aujourd'hui à leurs devanciers de les encadrer et de les soutenir.

Ne croyez-vous pas que le cinéma sénégalais devrait apprendre quelque chose du cinéma burkinabé et de celui d'un autre pays africain ?
Je pense plutôt à un évènement du genre Fespaco au Sénégal. Cela stimulerait la production. Certes les Occidentaux financent les films au Burkina, mais il faut dire que le gouvernement de ce pays s'est impliqué aussi en faisant du cinéma son affaire. Au Sénégal, ce qu'on avait comme manifestation, c'étaient les RECIDAK. Ça n'existe plus malheureusement. Il y a aussi à ne pas négliger le fait que le cinéma au Burkina est entre des mains des gens qui appartiennent à la famille cinématographique. Il est donc important de confier le cinéma à des gens qui s'y connaissent. Nous avons au Sénégal des personnes compétentes dans ce domaine. Maintenant, il suffit de les appuyer pour que les choses aillent mieux.

Dites-nous les rôles que vous avez eu à incarner à vos débuts…
J'ai démarré au cinéma avec le rôle de personnage principal dans Le Prix du pardon. C'est pourquoi quand on me propose quelque chose qui ne m'intéresse pas, je décline l'offre. De toutes les façons, on ne peut absolument incarner tous les rôles. J'ai participé au film L'appel des Arènes dans lequel je joue un rôle de cantatrice. C'était une expérience enrichissante. J'ai ensuite joué dans un téléfilm, pour la première fois, produit par la Radiodiffusion Télévision Sénégalaise. Lorsque j'ai lu le scénario, ça m'a intéressée et j'ai donné mon aval parce qu'il parlait de Sida, de prostitution, de castes etc. Et comme au niveau national, on ne me connaissait pas bien, je me suis dit que c'était l'occasion de me révéler au public sénégalais.

Est-ce que vous envisagez de jouer dans d'autres films non réalisés par les Africains ?
L'acteur aspire toujours au progrès, de travailler avec d'autres personnes. J'ai envie de tenter d'autres expériences en Afrique, en Europe et aux Etats-Unis. Je rêve de tourner avec de grands acteurs comme Nicole Kidmann que j'ai rencontré à Berlin. Avec Madame Brouette, j'ai reçu deux prix de la meilleure actrice en Belgique et à Carthage. Je me suis dit que je n'ai plus droit à l'erreur. Je dois travailler et aller de l'avant.

Entretien réalisé par
Bassirou NIANG
(Sénégal)

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