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Ciné et télé liés au Burkina
Rencontre avec Valérie Kaboré, réalisatrice de Ina, 2005; série télé de 15 X 26'
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 23/05/2007

On les oppose et ils en profitent. Les rapports conflictuels entretenus par le cinéma pour réagir face à l'essor spectaculaire de la télévision, ne sont pas toujours de mise en Afrique. Certes, la télévision a contribué à la désaffection des salles, mais elle a aussi permis d'étayer l'action de cinéastes de renom, de l'Ivoirien Henri Duparc au Burkinabé Gaston Kaboré. Aujourd'hui, le développement du numérique qui séduit les auteurs, semble resserrer les liens. La télévision s'offre une belle audience en diffusant des séries locales. Parallèlement, de nouveaux films apparaissent, tournés comme des téléfilms, lancés avec succès dans des salles populaires. Les images qui se croisent actuellement, au Burkina Faso notamment, ravivent les débats sur les liaisons serrées entre cinéma et télévision.
Concurrents apparents et challengers complémentaires, ces médias attirent tour à tour les réalisateurs motivés. Valérie Kaboré est de ceux là. Après des études en audiovisuel à Ouagadougou, et en France, la réalisatrice crée sa maison de production, en 1993. Elle travaille dans l'institutionnel puis engage une série télé, Naître fille en Afrique, en 1996, d'où émergent Kado ou la bonne à tout faire et Les vrais faux jumeaux, distingué au Fespaco 1997. La productrice qui rentabilise ses activités grâce à la pub et à la commande, affiche des ambitions audiovisuelles. Sa nouvelle série, Ina, est conçue pour la télévision avec en ligne de mire, une possible diffusion en salle. La démarche de Valérie Kaboré est révélatrice de l'évolution des créateurs d'images d'aujourd'hui.

Michel Amarger: - "Sur quoi repose l'argument de votre série ?
Valérie Kaboré : *
C'est l'histoire d'une jeune fille de 18 ans qui se bat pour ses rêves et ses objectifs. Ce n'est pas sans croiser des problèmes. Son père n'est pas tout à fait d'accord avec ce qu'elle se définit comme plan de vie. Dès qu'il cède, elle rencontre beaucoup de difficultés comme un viol par un proche du père, un préservatif qui cède lors d'un rapport avec son copain. Il s'ensuit une grossesse à paternité douteuse. Tout ça est mis pour permettre au film d'avoir des rebondissements, d'avoir un peu de croquant.

- Plus vous mettez d'obstacles, plus cela renforce la détermination de l'héroïne et ses possibilités de s'en sortir…
*
C'était presque un besoin pour faire avancer le scénario. Au final, cela a permis à l'histoire de sortir de mes films habituels. Avant je faisais presque des films de revendication sur les droits des femmes. Là, ça traite la question du droit d'une jeune fille de poursuivre ses études comme elle veut. Mais il y a beaucoup d'éléments autour qui sont assez cocasses, si bien que le message passe facilement.

- Êtes vous l'auteur du scénario ?
*
Je l'ai co écrit avec plusieurs personnes parce qu'il y a eu plusieurs versions. On a pu avoir une formation avec des Canadiens et l'accompagnement d'un script editor. Il faut avoir l'idée de départ et la fin. Pour le reste, on ne fait que broder.

- Avez-vous pensé la réalisation des 15 épisodes de Ina, uniquement pour la télévision ou en fonction d'autres perspectives de diffusion ?
*
D'abord le seul moyen accessible, c'est la télévision, et peut être faire des produits dérivés, des DVD, des cassettes. Les télévisons ont été d'abord visées notamment les télévisions sous régionales et les chaînes internationales comme CFI ou TV5.

- Quel est le soutien que vous a apporté la télévision du Burkina ?
*
On n'a pas été en coproduction avec la télé pour Ina. C'est la Direction de la Cinématographie Nationale qui est intervenue comme coproductice. Elle nous a apporté beaucoup de matériel et un soutien en techniciens. Les autres partenaires sont les partenaires classiques: l'Union Européenne, l'Agence de la Francophonie et le Ministère français des Affaires Étrangères.

- La Direction du Cinéma vous a aidé pour un produit diffusé à la télé ?
*
Oui. De toutes manières, ils n'ont pas d'autres circuits. Comme ce sont des organes d'État, ils travaillent en tandem. La diffusion à la télévision équivaut à remercier la DCN car ils sont pratiquement coiffés par les mêmes ministères. Ils visent les mêmes objectifs par rapport au soutien à la production privée.

- On oppose souvent la production d'images pour la télé et celle d'images pour le cinéma, or là, cela semble les réconcilier…
*
Ce débat s'est tenu il y a un certain temps mais aujourd'hui, ceux qui soutenaient que la vidéo n'est pas un produit valable, nous ont rejoints. Les grands cinéastes travaillent en vidéo. On ne peut se mettre à la marge du monde. Avec l'arrivée du numérique, il est indéniable qu'on n'a pas vraiment le choix. Vu le manque de moyens qui touche la production, la vidéo reste le grand chemin à prendre… Cela dit, la vidéo peut aider des gens à apprendre le métier, mais ça ne peut pas non plus remplacer le cinéma. Le cinéma a sa propre qualité. La pellicule se conserve mieux. Dans un siècle, un film pourra encore être regardé pour peu qu'il y aient encore des supports pour le diffuser. En vidéo, la technologie évolue tellement vite que les formats sont vite dépassés. C'est le grand inconvénient… C'est un produit de grande consommation. Les fabricants et les initiateurs de ces outils évoluent en fonction des besoins du marché, sans tenir compte des contraintes d'un producteur ou d'un créatif.

- Envisagez vous de diffuser votre série en DVD, dans des salles équipées comme celles du Burkina, par exemple ?
*
Oui. Il y a une grande expérience qui se mène au Burkina avec l'association dénommée ARPA. Des salles sont équipées et ça permet à des gens qui travaillent sur des petits budgets, avec des supports accessibles, de rendre leurs produits visibles. Jusqu'à présent, si on faisait une oeuvre, il n'y avait que la télévision nationale pour la diffuser, ou tout au plus une chaîne internationale. Celui qui n'avait pas capté le produit lors de sa diffusion, n'avait plus le choix de le voir. Si ça reste à l'affiche dans une salle, les gens ont le temps d'aller voir et d'apprécier.

- Estimez vous qu'un produit tourné en vidéo pour la télé, peut concurrencer un film de long métrage, en 35 mm, dans une salle de cinéma ?
*
Oui, de plus en plus. Il y a des expériences avec Idrissa Ouédraogo, Boubakar Diallo, Apolline Traoré. Leurs films ont attiré du monde. Il ne faut pas être en marge de l'évolution. Il faut prendre des raccourcis quand on le peut et le public fera son choix. Le public veut des images. Il ne sait pas si c'est tourné en 35 mm ou en vidéo, pourvu que l'histoire lui plaise, que ce soit bien raconté. Quand un produit est vrai, c'est le public qui le révèle."

par Michel AMARGER
(avril 2005)

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