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Ma famille, ma sagesse
Bana ba Nyoué (Les orphelins), de Toussaint Eyango
critique
rédigé par Rita Diba
publié le 23/07/2007

Le film de Toussaint Eyango pose les bases de la société

La société est une pyramide. Si la base est mal faite, la construction entière s'écroule. La base, c'est la famille, ce noyau qui doit préparer tout individu à être un exemple dans la société. La famille, au sens le plus strict du terme, père, mère et enfants, constitue ainsi la préoccupation centrale de Bana ba Nyoue, ou les orphelins, un des nouveaux-nés de la famille cinéma au Cameroun, sorti l'année dernière, mais dont la première projection a été réservée pour la presse ce vendredi 15 septembre 2006 à l'espace Parallèle Club, au quartier Nlongkak.
Ce qui ne me tue pas me rend fort. Tel est en substance l'essence de cette œuvre intimiste qui suit le parcours de quatre enfants qui perdent leurs parents suite aux malversations familiales des aînés de leur père Dina Moto. Ces évènements ne sont qu'accessoires et permettent à nos quatre petits héros de mettre en pratique l'éducation reçue de leurs défunts géniteurs.
Bien que le film s'inscrive dans la thématique principale du cinéma camerounais, la donnée sociale, Toussaint Eyango se démarque de ses prédécesseurs par le traitement de son sujet. Contrairement à ce qui est habituellement observé, le film n'est pas une dénonciation, mais une idéalisation. Bana ba Nyoue présente la société telle qu'elle devrait être.
Les procédés techniques utilisés dans le film participent à sa construction artistique par des symbolismes. Ainsi, le travelling latéral qui enveloppe de manière récurrente les membres de la famille Dina est l'illustration du soutien sans faille dont bénéficient les enfants même dans les moments les plus tragiques. Pour accentuer le caractère intimiste du film, les valeurs de plans privilégiées dans l'œuvre sont le gros plan et le plan rapproché qui permettent de mettre un accent significatif sur les personnages et les sentiments qu'ils expriment.
Les positions de la caméra quant à elles définissent l'influence des personnages sur l'action. Concernant les aînés de Dina Moto, pendant que le grand frère Eyoum est filmé le plus souvent en plongée, la caméra au-dessus de lui, pour montrer un homme écrasé par ses propres faiblesses et sa lâcheté, sa cadette Ndomè, qui incarne à merveille l'anti-héros, est prise en contreplongée, ce qui souligne sa domination sur Eyoum, et le rôle prépondérant qu'elle joue dans les malheurs de la famille Dina.
Le réalisateur se sert du parallélisme pour illustrer les deux destins de la famille Dina, tout en ombres et en lumières. Au village, les sombres desseins nourris par les aînés, à l'exemple de la palabre qui se déroule dans la cour du village plongée dans l'obscurité de la nuit, augurent en fait de l'avenir sombre qui guette Dina et sa famille.
Le clin d'œil est fait en direction de l'Occident qui n'est pas le paradis que l'on croit. D'ailleurs, le fils et la sœur d'Eyoum, Ndomè n'y ont pas ramené grand-chose, si ce n'est un esprit retors qui les amène à attenter sans remords à la vie d'autrui.
Le problème fondamental de l'œuvre est la construction des dialogues, qui manquent un peu de percussions et auraient pu éviter certaines scènes dans le film, pas indispensables à la construction de Bana ba Nyoue. La mise des comédiens participe aussi à la compréhension de l'histoire. Chez les Dina, c'est sobre, c'est semblable, c'est symbiose. Ndomè a une chevelure en bataille, comme son caractère vindicatif. Les vêtements usés d'Eyoum sont à l'image de l'homme, fatigué et désillusionné par la vie.
Bana ba Nyoue sortira en grande première sur les écrans camerounais dans deux jours, à Douala au Wouri et à Yaoundé au Centre culturel français. Le film est le deuxième long métrage de Toussaint Eyango. Son troisième, Embarras, est en cours.

Rita Diba

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