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"C'est aux professionnels africains de faire du cinéma leur business…"
entretien avec Kouagan Ékoué Djenou, directeur de la cinématographie nationale du Togo
critique
rédigé par Yohanès Akoli
publié le 23/07/2007

Le cinéma dit "africain" serait devenu le cinéma des festivals. À voir de plus près, après le Fespaco, le public africain n'a plus la chance de revoir ses images favorites après cette grande messe continentale de film. Pas plus longtemps, on aurait cru que le Burkina Faso, le pays où le cinéma est roi serait cet arbre qui cache la forêt. Ceci est dû en partie à la fermeture hémorragique des salles de projections dans nombre de villes africaines, mais aussi à des chaînes de télévisions locales qui bombardent au quotidien des réalités féerique loin de toutes convenance sociétale africaine. Il y a de quoi, hurler cette inquiétude, pour démystifier ce pragmatisme qu'on agriffe aux bailleurs. S'ils sont prêts à peser lourd dans la balance pour que les films soient fabriqués, cela y va également de soi qu'ils pèsent dans sa diffusion. Ce que l'on pourrait peut-être redouté dans le futur, c'est que bientôt on aura les films africains venus d'ailleurs, si les cinémas d'Afrique n'arrivaient pas à sortir du cadre des festivals. Face à ce mal inhérent au cinéma africain, et qui suscite tout le temps débat, et dont les remèdes divisent les acteurs, il y a lieu de sonner l'alerte auprès des directions du cinéma au niveau des États, pour voir leur approche du problème. Au Togo, nous avons demandé au directeur de la cinématographie nationale Kouegan Ekoue Djenou de nous dresser le bilan de ces longues années passées au chevet de cette direction. Ce bilan flatteur, est bien peu partagé…

Prenant en compte que le cinéma ne doit pas être quelque chose qui doit être délaissé et de l'impact qu'il a sur la population et de sa capacité à véhiculer les valeurs culturelles, nous sommes rendus compte qu'en faisant voir aux populations que les films d'ailleurs, cela pouvait entraîner des conséquences négatives sur nos populations, donc nous avons cherché à produire nous-mêmes. Nous avons commencé petit à petit par développer une politique de production. Nous avons essayé des tentatives. Les premières ont été avec les Burkinabés, et nous avons réussi à faire le film Yel'bedo. Après Yel'bedo qui est une co-production, je me suis dit qu'il faut qu'on fasse nous-même quelque chose. Et donc j'ai saisi l'occasion en trouvant le scénario du compatriote qu'est Abalo Kilizou. J'ai pris les devants, j'ai recherché les fonds. Que ce soit au niveau du ministère du plan, ou de la coopération française, j'ai essayé de mettre sur pied un grand chantier de production. C'était la période de la grande crise sociopolitique, mais néanmoins nous avons réussi à faire sortir le film en 1995, et là c'était avec toutes nos capacités et nos potentialités. Un grand film, Kawilasi qui, à son premier coup d'essai au Fespaco, a reçu le prix spécial du développement humain durable.

Qu'aviez vous fait d'autres après Kawilasi qui selon vous est une grande prouesse ?
Après ce film, nous étions rentrés dans une période difficile où le Togo était marginalisé. Tous les dossiers qu'on envoyait étaient bien ficelés, qu'on jugeait très bons mais en dernière minute la subvention n'était pas accordée, parce que les gens ne voulaient pas risquer leur argent. C'est ce qui nous a retardé jusqu'à l'ère de la vidéo numérique en 1998-2000. Et c'est justement cette vidéo numérique qui coûte moins cher, et dont les qualités d'images ont été considérablement renforcées, donc c'est ce qui nous amène à promouvoir une politique de production par la vidéo d'où la naissance de FIFIVIL : festival international de film vidéo qui sera en sa quatrième édition au mois de juillet cette année.

FIFIVIL a-t-il connu du succès ?
Honnêtement oui… Les tout premiers jeunes qui sont venus à ce festival, ce sont eux qui produisent aujourd'hui. Madjé Ayité, Steven AF, Obanikoua. Ce sont là des noms, qui ont eu à participer à la première édition de FIFIVIL.

En arrivant à la tête de la direction de la cinématographie en 1998, vous aviez inscrit dans votre agenda le mise sur pied d'une véritable politique cinématographique et d'un code de cinéma. Où en sommes nous exactement ?
Il y a une politique cinématographique ! Du moment où c'est une chaise que l'État met quelque part et lui donne une dénomination, sachez qu'il y a une politique cinématographique. Néanmoins, la direction a mis sur pied un code du cinéma. Nous essayons aussi de mettre sur pied, afin de faciliter le travail aux réalisateurs, de nous pourvoir en matériel de tournage pour réduire les coûts de production. Il y a donc vraiment, une politique du cinéma, dans la mesure où le Togo est le tout premier pays à initier un accord sud - sud, salué par l'Agence de la Coopération culturelle !

Pour finir, qu'est ce qui justifie ce silence coupable de l'État, à voir la léthargie de notre cinéma menacée de disparaître si rien n'est fait ?
L'État ne fait pas le cinéma, mais l'État aide les professionnels à faire le cinéma. C'est aux professionnels d'en faire leur business. Comme ça se fait aujourd'hui au Ghana et au Nigeria. Par ailleurs, l'aspect production qui n'est pas lié à l'aspect exploitation est ce qui fait le malheur du cinéma africain. D'abord, nous n'avons pas assez d'argent pour produire. Mais ensuite quand nous produisons, nous ne savons pas là où il faut projeter ces films. On n'a pas d'endroit pour voir ces films, et il faut peut-être attendre certains festivals. Au Togo, il fallait donc se référer aux salles construites par les libanais, et les conditions qu'ils posent sont draconiennes. Ils vous disent bon, si vous passez le film dans ma salle, vous avez 20% et moi j'ai 80%. De surcroît, il vous programme à un jour où il n'y a pas d'affluence !

Yohanès Akoli
Togo

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