AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 008 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
La maîtresse-pays
Kabala, de Assane Kouyaté (Mali)
critique
rédigé par Bouchta Farqzaid
publié le 27/07/2007

I. Présentation :
Kabala, écrit et réalisé par Assane KOUYATE du Mali, a été projeté dans le cadre du Festival du cinéma africain de Khouribga entre le 17 et le 24 juillet 2006.

II. Dialectique du sacré et du profane :
Au-delà de la problématique tellement épineuse concernant tant l'Afrique que n'importe quel autre continent, savoir la tradition et la modernité, Kabala souligne en fait la question du sacré et du profane. En effet, loin de s'opposer et de s'exclure, ces deux vecteurs essentiels fondamentalement culturels se complètent jusqu'à la fusion.
D'abord, la tradition africaine s'exprime dans le film au travers des topoï qui font partie intégrante de la culture africaine. Le premier motif se traduit dans un élément essentiel et générateur de toute l'intrigue du film, à savoir le "puits sacré", en ce qu'il est frappé d'interdit : il est "intouchable", quoiqu'il présente des signes de tarissement. Le second motif est "la danse du feu". Elle se justifie par le fait qu'elle constitue une pratique rituelle exercée en vue de faire re- jaillir l'eau de la terre. Ainsi, les deux éléments cosmologiques, l'eau et le feu, s'interpénètrent mutuellement, comme au commencement du temps. Le troisième constituant est celui de la sorcellerie, laquelle se tiraille entre le Bien et le Mal. Car, si K. participe à la destruction de Yamallah, héros du film, en le rendant impuissant, Yassa, elle, s'ingénie à le faire re-naître. C'est dire que la sorcellerie peut être à la fois constructive et destructive.
Comme pour tous les personnages tragiques, Yamallah est un personnage problématique, en ce sens qu'il semble être cela même qui est à l'origine des malheurs du village. Son identité et son statut lui sont révélés par son père : Yamallah est né d'une relation "illégale" entre son père et Yassa. "Bâtard", il est donc contraint à quitter son village. La bâtardise et l'amour disent l'interdit dans un monde fortement clos.

III. Le voyage initiatique :
Origine du malheur de Kabala, Yamallah doit rompre provisoirement d'avec la tradition et les ancêtres et rejoindre les mines.
Ainsi, le déplacement de Yamallah d'un lieu "clos" à un autre "extérieur" souligne l'idée d'une transformation à la fois psychologique et intellectuelle, parce qu'arrive à "forer" le puits sacré, à l'aide d'une "dynamite" activée par un "dynamo d'une bicyclette". A dire vrai, ce sont des éléments importés, qui relèvent de la modernité.
Le voyage initiatique de Yamallah souligne implicitement la question du modèle actanciel. En effet, de par sa situation problématique, Yamallah constitue le sujet-héros qui part à la quête d'un objet qui n'est que la "maîtresse-pays". À ce propos, il y a lieu de rappeler qu'il a du mal à réaliser son double projet, en ce qu'il se heurte à l'opposition des villageois, de Péris, du sorcier, de Sériba (son frère qui s'éprend de sa maîtresse en son absence) voire de son père Bidji, qui son accord au mariage de Sériba et de Sokona. Le seul adjuvant pour lui reste sa mère : Yassa.
Quittant le village, Yamallah fuit à vrai dire un espace dysphorique, en ce sens qu'il s'inscrit dans négativité s'exprimant dans la sécheresse, la mort et la rigidité des traditions.
Cette dysphorie se trouve en fait dépassée à la fin du film, dans la mesure où Yamallah réussit à convaincre les villageois à faire re-jaillir l'eau, qui de jaune devient pure. Ce dépassement vers la pureté se traduit également par le trépas de Yassa (l'impure) auquel succède l'accouchement de Founé.
Outre cela, Yamallah endure des épreuves qui contribuent à sa transformation. Ainsi, il passe de la folie à la raison, de l'ensorcellement à l'éveil, de la séparation d'avec Sokona à son appropriation et enfin de l'humiliation à la réhabilitation.

IV. En guise de conclusion :
Yamallah finit par retrouver à la fois sa maîtresse et son pays. Mais, en recourant à des villageois, le film dit la conciliation harmonieuse de la tradition et de la modernité.

Bouchta FARQZAID
Maroc (Khouribga)

Films liés
Artistes liés