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Délice Paloma, de Nadir Moknèche
Dame Algérie fait son show
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 05/08/2007

La femme algérienne continue de susciter les fantasmes de tous les cotés de la Méditerranée. Et les réalisateurs du pays qui accentuent les voyages, la prennent toujours volontiers comme métaphore de l'état du pays. Certains la voient brimée (Merzak Allouache, Bab El Oued City, 1994), fatiguée (Yamina Bachir, Rachida, 2001), d'autres révoltée (Kamal Dehane, Les suspects, 2004), résistante (Djamila Sahraoui, Barakat !, 2006), décidée à bousculer la société (Mohamed Chouikh, Douar de femmes, 2005). Pour Nadir Moknèche, la femme algérienne, c'est d'abord le tempérament.
Délice Paloma tourne donc littéralement autour de la forte stature de Madame Aldjéria, incarnée avec détermination par Biyouna. Avec son allure de quinquagénaire altière, la star des comédies télé, emporte dans son sillage les parfums mélangés qui flottent dans les différents quartiers d'Alger. Dès qu'elle sort de prison, après une peine de trois ans pour escroquerie, la caméra ne la lâche plus.
Tout en regagnant son appartement dévasté, Madame Aldjéria égrène ses souvenirs sur les circonstances qui ont précédé l'arrestation. Installée dans un bureau haut perché, elle prétendait résoudre les problèmes de solitude, d'adultère, d'achat de terrains en monnayant ses services. Le tout sous l'œil de son fils Riyad, éleveur d'oiseaux, de sa collaboratrice Shéhérazade, fidèle recrutée dans la rue, d'un avocat véreux et d'une nouvelle recrue rebaptisée Paloma. Celle ci est engagée pour séduire un patron de cinéma que sa femme veut coincer en situation d'adultère. Une manœuvre provocant la jalousie de Riyad qui courtise Paloma et bouscule les plans de l'héroïne.
Hantée par son rêve : racheter des thermes antiques pour y installer une résidence et gagner sa respectabilité, Madame Aldjéria se promène avec délice au milieu des petites compromissions et des bars de nuit chics d'Alger. L'argent coule, les rêves passent, les destins se coincent au rythme des émotions de l'héroïne et des chansons raï qu'elle écoute en boite.

L'attention de Nadir Moknèche se focalise sur les facettes contrastées de Biyouna, ses mots piquants, ses rencontres douteuses, ses manipulations, ses espoirs naïfs. L'actrice assure avec application un rôle épais qui marque sa troisième collaboration avec Nadir Moknèche après Le Harem de Mme Osmane, 2000, et Viva Laldjérie, 2002. Le réalisateur retrouve aussi Nadia Kaci transformée en Shéhérazade, et emploie des nouveaux venus, recrutés en France et en Algérie, pour figurer la jeune génération. Tous exhibent leur conviction pour relayer le savoir faire de Nadir Moknèche. Formé au cinéma en France et aux Etats Unis, attiré par l'Italie où il réside souvent, le réalisateur brasse ses influences pour forcer l'attention en affichant l'ambition de marier les styles de cinéma.
La qualité de l'image, quelques scènes enlevées, le jeu des acteurs, reposent sur une production française solide. Mais les dialogues en français, comme dans les autres films de Moknèche, la géographie trop morcelée d'Alger, la voix off chargée de l'héroïne ne permettent pas de respirer vraiment l'air du pays. Pourtant le cinéaste multiplie les allusions à l'état corrompu du pays, pointe la visibilité admise des intégristes et compose un portrait de femme décidée autour de laquelle des histoires d'amour improbables se nouent. La comédie voulue populaire semble alors aussi chargée que la glace qui donne son titre au film. Et Délice Paloma n'apporte pas de fraîcheur nouvelle aux images de l'Algérie.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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