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L'homme aux mille idées
Ahmed Bahaeddine Attia
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 11/08/2007

Ahmed Bahaeddine Attia s'est éteint hier vendredi 10 août 2007. L'information a secoué le milieu du cinéma et de la culture. C'est que l'homme a marqué une bonne période de la jeune histoire de notre cinéma. On ne peut s'empêcher de penser à ce que celui qui a été producteur, directeur de festival, distributeur, animateur des cercles associatifs et syndicaux, représente pour le cinéma, non pas seulement en Tunisie mais aussi en Afrique.

De la personne je ne pourrai dire grand chose, mais de l'homme de cinéma, certainement beaucoup de choses. Il est indéniable qu'il aura marqué toute une génération de cinéphiles. Ceux qui avaient à peine vingt ans comme moi au début des années 90, se souviendront pendant longtemps des Journées Cinématographiques de Carthage de 1992 et de 1994 qu'Attia a dirigées en vrai professionnel. On regarde maintenant ces années-là avec beaucoup de nostalgie. Combien de jeunes ont succombé à la magie du cinéma grâce à ces deux éditions.
Auparavant "H'mayed", comme l'appellent les plus proches, s'était confirmé comme le producteur le plus généreux et celui qui a donné au cinéma tunisien de belles oeuvres. Plus même, c'est grâce à lui que nous avons connu quelques années de gloire qui sont difficiles à retrouver.
Dès 1986, après une longue expérience sur les productions étrangères en tant qu'assistant de production, il s'engage dans l'expérience qui donnera naissance à L'Homme de cendres, premier long métrage de Nouri Bouzid qui marquera le tournant du cinéma Tunisien. Attia sera après, tout le monde vous le confirmera, derrière plusieurs grands succès de notre cinéma.
Il enchaînera les succès les uns après les autres portant l'image de la Tunisie vers de belles années de gloire. Certains parleront même d'âge d'or. Pendant moins d'une décennie, Cinétéléfilms, sa propre société de production, portera à l'écran quelques titres que nous ne sommes pas prêts d'oublier : Les Sabots en or, Halfaouine, l'enfant des terrasses, La Guerre du Golf et après, Les Silences du palais. Ahmed Bahaeddine Attia était l'artisan de ces grands succès aussi et celui qui permettra à des cinéastes d'émerger et d'aller le plus loin possible : Nouri Bouzid, Férid Boughédir, Moufida Tlatli.
Mais son engagement pour le cinéma ne s'est pas limité à la Tunisie. Comme il s'est battu pour que le cinéma de l'Afrique subsaharienne soit bien présent aux JCC, il s'est investi également dans la production de certains films. Po di Sangui du Guinéen Flora Gomez, à titre d'exemple, aura été le défi relevé et qui le fera reconnaître comme un vrai accompagnateur de talents. Il prenait alors avec ce film une envergure continentale parce qu'il ne reconnaissait pas les limites géographiques.
Son dernier projet était un rêve. Il travaillait sur la production de dessins animés. C'est une composante qui manque à la production d'image africaine. Le projet ne visait pas seulement la production mais aussi la formation de spécialistes du genre. Il n'avait pas seulement une ambition du simple spectacle, il a toujours voulu être un agent culturel.
Le projet de films d'animation a une portée pédagogique dans le sens où il met en valeur la Culture et l'Histoire africaines. Le premier est tunisien et reconstitue l'histoire de Carthage ; le second est consacré à la culture de l'Afrique profonde à travers le conte malien. Bref les idées n'auront pas manqué à ce producteur qui était pendant des années incontournable pour le cinéma tunisien. Il aura laissé une oeuvre qui sera incontournable pour notre histoire culturelle.
Son départ nous aura amené à prendre conscience de l'histoire de notre cinématographie qui était jeune et qui soudain paraît vieillie. Nous nous sommes habitués à côtoyer ses faiseurs. Soudain nous comprenons que le temps a passé et nous nous demandons ce que les anciennes générations ont laissé pour les nouvelles.

Hassouna Mansouri

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