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Invention ou mystère fictif !
Sia, le rêve du python, de Dani KOUYATÉ (Burkina)
critique
rédigé par Espéra Donouvossi
publié le 16/08/2007

Le python qui a pendant longtemps constitué une raison théologique est contesté par une jeune rebelle. La manigance de l'homme et le mystère entretenu autour d'une tradition fondée sur du néant ; seuls les initiés savent ce qui s'y passe. Mais quand le rêve du python sera Sia, le dieu python sera mis à nu. Et Dani KOUYATÉ braque sa caméra sur des futilités africaines qui victimisent les enfants d'Afrique, de bons bras valides pour son développement. Fidèle à l'empire de Wagadou dont l'histoire était racontée dans son film Keïta, l'héritage du griot, le réalisateur revient à la charge en interprétant librement ce mythe qui a vraiment existé. Revoilà donc Dani dans une autre adaptation d'une autre œuvre littéraire au cinéma. Écrit par Moussa Diagana, Sia le rêve du python s'est imposé pendant longtemps au théâtre sous le titre de "La légende de Wagadou par Sia Watabélé". Cette histoire est toujours racontée par les griots. La famille de Kouyaté, une famille griotte, réinvente une façon moderne d'être griot et de raconter l'histoire. Nous sommes précisément au 7è siècle, quelque part au Ghana où un dieu python exige (en échange de l'or et de la pluie) qu'on lui sacrifie annuellement une jeune fille vierge. Mais quand le choix se portera sur la fiancée de Mamadi, il n'hésitera pas à tuer ce serpent pour la conserver. La mort du serpent maudit le pays et pendant 7 ans 7 mois et 7 jours, la famille sévit, les populations sont dispersées et la sécheresse anéantit les activités. Mais dans le film de Dani, ce mythe est contredit, car le cinéaste en a fait une interprétation libre et moderne. Sia ne se laissera pas faire. Elle se rebelle, s'enfuit et incitant le peuple à plus de clairvoyance. Dani Kouyaté en décrivant ainsi l'attitude de Sia rejoint le réalisateur Sembène Ousmane pour louer la lucidité, la combativité et la perspicacité des femmes. Que ça soit dans Moolaadé, Emitaï, La noire de…, etc.… cet hommage est toujours rendu à la femme africaine. L'œuvre de Dani est poétique et est abordée de toutes les bonnes manières possibles. On y voit la tragédie grecque, Antigone, Machiavel et cela prend l'aspect d'une œuvre classique qui raconte l'histoire d'une Afrique aux traditions orales. Le jeune fiancé qui destitue l'empereur pour sauver sa fiancée ; il prend le pouvoir mais hésite à dénoncer la supercherie ; malgré son combat il perd l'amour de Sia qui se dresse contre le pouvoir ; les propos paraboliques et philosophiques du fou présent tout au long du film : ce sont autant de choses qui font de cette œuvre, une fierté du cinéma africain. La musique du film est dramatique et traduit bien le synopsis du film. De façon métaphorique, le réalisateur se place entre mascarade et supercherie, pour dénoncer un fanatisme religieux basé sur l'invention et le bouc émissaire, simple alibi pour assouvir une velléité humaine. À partir du moment où le dieu python réclamera le sacrifice de Sia, cela lève le voile sur beaucoup de choses. C'est cela qui fera le film et ce sera la goutte d'eau qui fait déborder le vase. La lucidité des uns et des autres et la sauvegarde des intérêts amèneront à une résistance perpendiculaire.
Le casting de ce film est fait d'hommes de théâtre ayant une certaine expressivité aisée et éloquente. Les Maliens y tiennent plus de rôles et le fou qui symbolise la métaphore de cette œuvre sociale et qui incarne l'autre manière de voir l'Afrique d'aujourd'hui. Le fond thématique rejoint le film Kabala du Malien Assane KOUYATÉ et Faro, la reine des eaux de Salif TRAORÉ. Ils enseignent tous comme une sagesse africaine que "les sociétés africaines sont des arbres et il faut savoir tailler les vielles branches".
L'originalité des propos, leur modernité et la truculence verbale des acteurs portent le film comme un chef d'œuvre. On n'a pas besoin d'inciter les cinéphiles à aller voir ce film car il s'impose de lui-même.

Espéra G. DONOUVOSSI

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