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Le cinéma africain perd un militant
Décés de Ahmed Bahaeddine Attia
critique
rédigé par Moussa Bolly
publié le 27/08/2007

Décidément 2007 a été une année noire pour le cinéma africain. En effet, après Sembène Ousmane en juin dernier, c'est le Tunisien Ahmed Bahaeddine Attia qui s'est éteint le 10 août 2007. Producteur et mécène, il a énormément contribué au rayonnement du cinéma tunisien voire et africain.

Né en 1946 à Sousse, ville maritime de la Tunisie, la jeunesse de feu Ahmed Bahaeddine Attia s'est déroulée entre Ciné-clubs et cinéastes amateurs. C'est donc fort naturellement qu'il fit des études de cinéma à Rome (Italie) avant de se lancer dans une carrière professionnelle comme assistant réalisateur. Ce passionné du 7e art a par la suite été directeur de production et producteur exécutif. "Je voulais produire un cinéma d'auteur apprécié par les festivals et la critique tout en faisant des films foncièrement tunisiens. En deux mots, ma stratégie serait : sincérité et crédibilité", disait-il dans une récente interview accordée à Olivier Barlet d'Africiné.
Nourrissant le culte de l'excellence, Attia s'est toujours impliqué dans la réflexion et la construction d'une stratégie pour l'émergence d'une expression cinématographique et audiovisuelle de proximité et identitaire. Il a tour à tour été président de l'association des Cinéastes Tunisiens puis son secrétaire général pendant plusieurs années, Vice président de la Fédération panafricaine des cinéastes (Fepaci) de 1975 à 1985 et secrétaire exécutif de la même Fepaci de 1989 à 1995.
En 1997, Ahmed Bahaeddine Attia fonde l'Association des producteurs indépendants de la Méditerranée (Apimed) qu'il a présidé jusqu'à son décès. Tout comme, depuis 2000, il était à la tête de la Chambre syndicale des producteurs tunisiens ainsi que de la Coordination maghrébine des exploitants et distributeurs crée en janvier 2003. Militant du cinéma, il a conjugué sa vie avec son activité professionnelle en réfléchissant, écrivant et en proposant des solutions pratiques à toutes les difficultés que rencontre ce secteur dans son pays et sur le continent.
Pour ceux qui l'ont régulièrement côtoyé, Attia était "un homme du sud, méditerranéen convaincu, avec son héritage Arabo-musulman, mais phénicien aussi". Très pragmatique dans ses prises de position, il a toujours cru dans le dialogue Nord-Sud, dans l'universalité du cinéma quelque soit son origine. Un esprit qu'il a toujours cultivé à travers son entreprise, Cinétéléfilms, fondée en 1983. L'expérience et la détermination de Ahmed Bahaeddine Attia lui ont valu d'être Membre du jury de festivals prestigieux (Cannes, Carthage…). Et pendant trois sessions (1992, 1994 et 2004), l'homme aux mille idées a dirigé les Journées cinématographiques de Carthage (JCC).

Des témoignages éloquents
La disparition d'Ahmed Attia est ressentie partout comme un coup dur pour le cinéma africain, tunisien notamment. Et partout, il a eu droit à des hommages à la hauteur de son énorme contribution au développement du 7 art en Tunisie et en Afrique. Des témoignages n'ont pas non plus manqué pour saluer sa mémoire. "Attia s'était confirmé comme le producteur le plus généreux et celui qui a donné au cinéma tunisien de belles oeuvres. Plus même, c'est grâce à lui que nous avons connu quelques années de gloire qui sont difficiles à retrouver", souligne Hassouna Mansouri, secrétaire général de la Fédération africaine des critiques de cinéma (Facc).
Ce dernier rappelle surtout que, dès 1986, le producteur s'est engagé dans l'expérience qui donnera naissance à L'Homme de cendres, premier long métrage de Nouri Bouzid qui marquera le tournant du cinéma Tunisien. "Attia sera après, tout le monde vous le confirmera, derrière plusieurs grands succès de notre cinéma. Il enchaînera les succès les uns après les autres portant l'image de la Tunisie vers de belles années de gloire. Certains parleront même d'âge d'or", rappelle H. Mansouri.
Ainsi, Cinétéléfilms a porté à l'écran quelques titres que les Tunisiens et le public de nombreux festivals prestigieux ne sont pas prêts d'oublier. Il s'agit, entre autres, des Sabots en or, Halfaouine, l'Enfant des terrasses, La Guerre du Golf... et après ? et Les Silences du palais.
La mort a fauché Attia au moment où il était sur le point de réaliser l'un de ses grands rêves : produire des dessins animés, le chaînon manquant de la production d'images africaines. Comme l'assure Hassouna Mansouri, "le projet ne visait pas seulement la production, mais aussi la formation de spécialistes du genre. Il n'avait pas seulement une ambition du simple spectacle, il a toujours voulu être un agent culturel".
Tous les témoignages s'accordent à reconnaître que Ahmed Bahaeddine Attia a été quelqu'un qui a apporté un plus pour le développement du cinéma dans son pays. On ne peut alors que souhaiter que ce qu'il a laissé à la postérité puisse être utilisé à bon échéant par les nouvelles générations !

Moussa Bolly

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