AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 939 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
"Le cinéma africain sera l'un des plus grands cinémas du monde, faut pas qu'on se trompe !"
entretien avec Richard Bohringer
critique
rédigé par Yohanès Akoli
publié le 29/09/2007

Artiste aux facettes multiples, voguant entre comédie, écriture et chanson, Richard Bohringer se révèle véritablement sur grand écran en 1981 avec Diva de Jean-Jacques Beineix. Connu pour sa longue traversée de désert, le divorce avec ses racines - la France -, son amour pour l'Afrique dont il aime chanter la musique, il a obtenu la nationalité sénégalaise en 2002. Vomi par sa mère patrie ; et tout comme ses frères cinéastes africains ; c'est donc au prix de mille sacrifices qu'il réussit à sorti en 2006 le film C'est beau une ville la nuit. Cet opus est une adaptation du roman qu'il avait publié dix ans plus tôt. Mais où exactement avons-nous rencontré ce monument de la cinématographie ayant à son actif 100 films comme acteur ? C'était donc en janvier dernier au Bénin au cours de la 5ème édition du festival international de film Quintessence de Ouidah. Voilà c'est vieux ! Mais l'homme dit des choses croustillantes qui à coup sûr vont créer un panel de réflexion auprès de la jeune génération de cinéastes africains qui ne sait à quel saint se vouer.

1- Votre film : c'est beau une ville la nuit. Pourquoi donc cette transhumance vers l'Afrique, alors que vous êtes né Français ?
Mon intérêt pour l'Afrique, c'est un intérêt humain. J'ai trouvé en Afrique, des choses que je n'ai plus trouvées chez moi : le partage, la volonté, le courage. Il faut être courageux pour être un Africain. Il faut être brave, la vie est difficile, les rêves sont difficiles. Donc c'est certainement en Afrique qu'il faut retrouver les forces que nous nous n'avons plus en Europe. Chaque seconde en Afrique est une survie. Est-ce que dans le Sahel, les hommes sont sûrs de demain ? Non. Parce qu'il y a rien. Il n'y a que le cœur et l'intelligence, la volonté et le courage. L'Afrique est généreuse, elle ne prend pas, mais elle donne. Nous on prend, mais on ne donne pas beaucoup. Voilà pourquoi je suis attaché à l'Afrique. Parce que c'est une injustice fondamentale. Ce cynisme de l'Occident est insupportable !

2- Quelles ont été vos difficultés dans le tournage du film ?
J'ai fait mon film avec beaucoup de difficultés. Parce qu'en France, quand j'ai pris la nationalité africaine, ils m'ont puni. Je m'en fous ; mais je suis heureux de ce que je fait. Donc, quand j'ai fait mon film, personne ne m'a aidé, même pas l'État, alors que j'ai fait 100 films comme acteur. Ils m'ont dit "va voir tes frères, tes amis africains. Puisque tu es africain va les voir".

3 - Quelles sont, les enjeux majeurs qui font que le cinéma africain est à bout de souffle ?
Parce qu'il n'y a pas de public en Afrique, c'est trop petit le public. Toutefois, le cinéma africain sera l'un des plus grands cinémas du monde. Faut pas se tromper. Il y a des grands artistes ici. L'Afrique est le continent le plus actif du monde. C'est là où il y a tout ; toute la genèse de la création se trouve ici en Afrique. Écoute, qui aurait donné un sou il y a 30 ans ou 40 ans au cinéma japonais ? Personne ! C'est un des premiers cinémas au monde maintenant. Il faut tenir le coup.

4- Qu'apportent concrètement les festivals de films tout le temps organisés à l'échelle du continent africain ?
On se rend compte qu'un festival de cinéma, c'est aussi très important pour un peuple, pour l'Afrique. Le cinéma c'est une arme sociale aussi. Le cinéma c'est un témoignage. Donc c'est important de participer à la culture, d'être ensemble sur des objets qui peuvent amener à une plus grande connaissance.

5- Êtes-vous d'avis à ceux qui cataloguent le cinéma africain de primitif ?
Non. Le cinéma africain est un grand cinéma. Il y a de très grands cinéastes en Afrique. La difficulté c'est qu'il faut du temps pour que le cinéma africain soit programmé de la même façon que le cinéma occidental. Mais il faut continuer et c'est ce que les autorités doivent faire en aidant les festivals d'Afrique profonde. Il faut que les autorités prennent conscience que le cinéma, ce n'est pas pour rigoler, que c'est aussi quelque chose d'important pour faire connaître la culture de son pays.

6- Que dites-vous à la jeunesse africaine qui chercherait peut-être à emboîter vos pas ?
Il faut qu'il rêve de la possibilité de tenir la caméra. Il faut se battre avec ce qu'on a, au moment où il faut se battre. Il faut continuer à lutter, surtout il faut arrêter le complexe "je suis africain, je ne sais pas faire". Il faut prendre conscience et commencer par faire quelque chose. Si je dresse par exemple la liste des metteurs en scène africains, qu'ils soient sénégalais, burkinabés ou béninois, ils ont fait des films magnifiques dans lesquels j'aurais aimé être. J'en ai fait un avec Idrissa, Le cri du cœur.

7- Enfin, si un jeune cinéaste africain faisait appel à vous pour son tournage ; seriez vous disposez à venir l'aider ?
Je viens ! Si un Béninois me dit : "j'ai la caméra, j'ai le script, j'ai l'équipe, je n'ai pas l'argent, viens tourner avec moi", j'arrive. Il faut que le cinéma africain existe, c'est grand pour le cœur, c'est grand pour l'âme.

Yohanès Akoli

Films liés
Artistes liés
Structures liées