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Quête identitaire et désir de survie
Andalucia, de Alain GOMIS (France/Sénégal)
critique
rédigé par Mohamadou Mahmoun Faye
publié le 01/10/2007
Mohamadou Mahmoun FAYE
Mohamadou Mahmoun FAYE

Le réalisateur sénégalais Alain Gomis est de retour à Namur, un festival qui lui réussit bien. En 2001, son premier long-métrage L'Afrance y avait remporté la consécration suprême, le Bayard d'Or. Deux ans plus tard, en 2003, son deuxième court-métrage Petite lumière (après Tourbillons en 1999) était sacré meilleur film dans cette catégorie. Cette année, il présente son tout nouveau Andalucia en compétition officielle dans la section des longs-métrages.

NAMUR (Belgique) - Samedi soir sur l'estrade de la salle Eldorado 1, le jeune réalisateur sénégalais Alain Gomis (de père sénégalais et de mère française) était visiblement ému de retrouver le Festival international du film francophone de Namur où, en 2001, son premier long-métrage L'Afrance avait reçu le Bayard d'Or du meilleur film. Va-t-il rééditer le coup d'il y a six ans qui lui avait permis de se faire un nom dans le milieu du septième art africain et francophone ? Son tout nouveau long-métrage Andalucia est très différent du premier qui évoquait les drames de l'immigration symbolisé par El Hadj (Djolof Mbengue), un jeune Sénégalais écartelé entre sa volonté de poursuivre des études en France et son irrépressible désir de conserver intacte son identité.
Dans Andalucia, le cinéaste semble poursuivre cette quête identitaire. Mais à la différence de El Hadj, le personnage principal de ce deuxième long-métrage de Alain Gomis est à la recherche d'une identité intérieure, d'un Moi qu'il a du mal à assumer. La vie de Yacine (Samir Guesmi) est faite de frustrations, d'actes manqués et de refoulements qui empoisonnent sa misérable existence de jeune qui a grandi dans les banlieues parisiennes et qui, de surcroît, est issu d'une famille d'origine algérienne. Tel un ermite, il vit dans une caravane étroite où, entre deux virées nocturnes, il reçoit des copines pour des aventures sans lendemain. Dans sa "bulle", Yacine rumine sa rancoeur, fuit tout ce qui peut lui rappeler sa jeunesse, ses origines, mais cela ne fait que le précipiter dans une abysse qui l'éloigne de plus en plus de la réalité.
Dans Andalucia, tout comme dans L'Afrance, le réalisateur interroge et s'interroge sur notre condition d'humains, d'êtres imprévisibles capables du meilleur comme du pire. Le personnage de Yacine pourrait être transposé dans n'importe quelle société. Il incarne un homme désemparé, en proie à ses propres doutes, ses propres angoisses existentielles... Le cinéaste a utilisé une forme narrative assez destructurée, pas facile à comprendre et qui peut dérouter le spectateur. D'une séquence à une autre, on a parfois l'impression d'évoluer dans un univers psychédélique où des derviches tourneurs vous entraînent dans un tourbillon vertigineux. Fouillant dans les moindres recoins de Yacine, le réalisateur y fait ressurgir de vagues souvenirs qui sont autant de témoignages d'une vie dissolue.
Alain Gomis utilise des images d'archives comme pour atténuer la douleur de Yacine : la fameuse feinte du "roi" Pelé lors d'un match de la Coupe du monde de 1970, des derviches tourneurs drapés dans leur tenue immaculée... Des scènes de casting et de plateaux de tournage sont également insérées dans ce film déroutant, mais à l'esthétique très forte. Les gros plans, fréquemment utilisés, montrent des corps fatigués et des visages meurtris par la douleur. On y retrouve aussi de nombreuses scènes de nuit avec une belle utilisation de la lumière et de quelques effets spéciaux, comme dans cette scène finale où Yacine vole littéralement au-dessus des montagnes de l'Andalousie. Comme dans L'Afrance, le réalisateur a travaillé avec ses acteurs fétiches : Djolof Mbengue, Bass Dhem, etc. Juste après la projection de samedi soir à la salle Eldorado 1 de Namur, Alain Gomis est retourné à Paris où l'attendait une bonne nouvelle : son épouse a accouché le samedi soir d'une fille. Heureux présage...

MODOU MAMOUNE FAYE

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