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"L'enfant appartient à la communauté, et non à un individu"
Interview avec Blaise Nnomo Zanga, réalisateur du film Mon Ayon
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 03/10/2007

Mon Ayon, le film de Blaise Nnomo Zanga, part à la conquête de l'Afrique centrale.

Qu'est-ce qui vous a inspiré ce film ?
Mon Ayon, c'est l'enfant du terroir. Dans certaines familles, surtout dans la province du Sud, il existe un réel problème d'héritage, un problème de sang. Nous connaissons des situations telles que, parfois, un enfant qui naît dans un couple n'est pas forcément l'enfant de l'époux légitime. Chez moi, cette situation s'est aggravée du fait de l'installation d'un nombre considérable d'allogènes venus de Guinée équatoriale, de la province du Nord-Ouest, et même de l'Extrême-Nord. Si bien que les jeunes veuves (nos parents ont pris pour habitude, à la vieillesse, d'épouser de jeunes femmes) de nos parents trouvent en ceux-ci soit de simples petits copains, soit carrément des maris. Les enfants issus de ces relations appartiennent à toute la communauté : ce sont les enfants du terroir.
Dans le film, il s'agit d'un enfant né dans un couple dont le mari, Zollo, ne reconnaît pas sa paternité, parce que le bébé refuse dès sa naissance de téter le sein maternel. Dans la province du Sud, c'est un signe très grave, car signifiant que la femme a triché. Devant la colère de Zollo, les patriarches lui recommandent sagesse, donc de reconnaître l'enfant, et respect de la tradition, parce que dès qu'un enfant est né, il appartient à la communauté et non à un individu. Et c'est ce "père" et sa communauté qui doivent l'élever, c'est-à-dire lui donner des repères dans la vie.

Et pourquoi le film finit-il si brusquement, est-ce un choix ?
On m'a toujours posé cette question. Je voulais laisser à chacun la possibilité d'imaginer la suite et de tirer ses propres conclusions. Il a été demandé à Zollo de reprendre sa femme, mais lui, il voulait d'abord savoir qui était le géniteur de l'enfant ; ce que la coutume interdit. Et même les marabouts consultés ne le lui auraient pas dit, quand bien même ils auraient su la vérité, parce que respectant cette coutume. Face à son obstination, Eda, sa femme, finit aussi par refuser tout arrangement. D'ailleurs, elle a déjà un autre homme, qui est venu se présenter à sa famille. Chacun peut dès lors deviner une suite. J'en appelle à l'intelligence des spectateurs, les films n'étant pas des feuilletons.

Ce film est du genre "calebasse" et fait aussi penser à Muna Moto
Je comprends que si vous dites "calebasse", cela renvoie aux films africains d'une certaine époque. Dans ce cas, oui ! D'autant plus que j'ai longtemps travaillé avec Dikongué Pipa. J'avoue avoir aussi été influencé par ma formation au Burkina Faso. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai fait jouer les comédiens en langues nationales, ce qui rend l'histoire plus vraisemblable. Mon histoire aurait été diluée si mes acteurs, surtout les vieux et les vieilles de la campagne, avaient joué en français. Le choix de la langue est voulu.

N'avez-vous pas connu des problèmes de financements ?
Le financement des films n'a jamais été facile. Ma famille et moi avons beaucoup saigné. Un partenaire européen m'a aidé, ainsi que le ministère de la Culture. Je n'ai pas pu obtenir les financements classiques qu'on connaît avec la Francophonie, le ministère français des Affaires étrangères, etc. C'est pourquoi j'ai mis trois ans à faire ce film, et que j'ai tourné en campagne, où je n'avais pas beaucoup de problèmes logistiques.

Qu'en est-il de la distribution ?
C'est là le plus grand problème. Le film étant en support vidéo (numérique), il est beaucoup plus destiné aux télévisions. Néanmoins, il est déjà passé à la CRTV, la télévision camerounaise, et à la première chaîne gabonaise. Je suis en négociations avec la Guinée équatoriale, car cette histoire est bien connue des Fangs qui se retrouvent non seulement au Cameroun, mais aussi au Gabon, en Guinée équatoriale et au Congo.

Entretien mené par
Jean-Marie Mollo Olinga

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