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Dans l'intimité des femmes de Oualata…
En attendant les hommes, de Katy Léna NDIAYE (Sénégal)
critique
rédigé par Mohamadou Mahmoun Faye
publié le 09/10/2007
Mohamadou Mahmoun FAYE
Mohamadou Mahmoun FAYE

Katy Léna Ndiaye est plus connue comme présentatrice du magazine "Reflet Sud" sur la chaîne francophone TV5 Monde et sur la télévision publique belge RTBF. Cette journaliste sénégalaise, qui vit et travaille à Bruxelles, est aussi une réalisatrice de talent. Elle vient de signer En attendant les hommes, son deuxième documentaire présenté en hors compétition à la 22ème édition du Festival international du film francophone de Namur qui s'est achevée vendredi soir.

NAMUR - Dans Traces, empreintes de femmes, son premier documentaire, la réalisatrice et journaliste sénégalaise Katy Léna Ndiaye donne la parole aux femmes d'un village du Burkina Faso, près de la frontière avec le Ghana, qui ont la particularité de décorer leurs cases de fresques colorées réalisées avec leurs mains. Si dans ce premier film elle s'attarde plus sur les dessins que sur le discours des villageoises, elle semble avoir changé de démarche cinématographique dans En attendant les hommes. Dans ce documentaire de 56 minutes, elle donne la parole à trois femmes de Oualata, cette "ville rouge" à l'extrême Est de la Mauritanie qui défie les sables du désert. Dans ce coin perdu, la vie s'écoule comme un long fleuve tranquille. Ici, on ne vit pas scotché au chronomètre. La plupart des hommes sont partis chercher fortune dans les grandes villes du pays ou à l'étranger, laissant les femmes seules avec les enfants et les vieillards.



La caméra du chef opérateur Herman Bertiau campe, dans un décor naturel, le quotidien de trois femmes. La première est très taquine, la deuxième s'exprime avec humour et la troisième est de nature plus réservée. Mais toutes trois parlent librement de leurs relations avec leur mari, avec les hommes en général, de leurs déboires, de leurs joies, de leurs déceptions…, bref de la façon dont elles vivent dans cette immensité désertique.
Le spectateur est même quelquefois désarçonné par cette liberté de ton dans une société considérée (à tort ?) comme misogyne et où la femme donne l'impression de compter pour moins que rien. Pourtant, en décortiquant le discours des trois "héroïnes", on devine bien que celui qui domine n'est pas forcément l'homme. "Quand j'ai envie de mon mari, je le lui dis et il doit s'exécuter !", lâche celle qui semble être la plus espiègle, la plus chipie. Il n'a pas été facile de faire parler ces femmes souvent si pudiques. "Le repérage a été difficile, mais je suis parvenue à les mettre en confiance", explique la cinéaste.

En fait, Katy Léna Ndiaye se sert des couleurs des fresques comme des "plans de coupe" pour mieux faire passer le discours des femmes de Oualata qui attendent leurs hommes à l'approche de la fin du mois de Ramadan (le film a été tourné l'année dernière, quelques jours avant la fête de la Korité [jour qui marque la fin du jeûne du Ramada]). "Les peintures murales sont la représentation de leur discours", nous a expliqué la réalisatrice à la fin de la projection jeudi dernier à la salle Caméo 2 de Namur.

La caméra, toujours fixe, donne au spectateur le temps de découvrir l'expression des visages et la beauté du paysage. Les plans, larges ou serrés, insistent sur des détails : des mains qui malaxent l'argile ou qui mélangent les couleurs ; des sourires volés ; des éclats de rires spontanés ; des expressions de visages si purs… Le documentaire En attendant les hommes est à contre-courant des clichés sur la société africaine en général, musulmane en particulier. "Il est vrai que l'on peut tomber facilement dans les clichés en pensant que dans ces sociétés c'est toujours l'homme qui dirige. À mon avis, c'est plus compliqué que cela…", avertit Katy Ndiaye.

Son film, qui constitue le deuxième volet d'une œuvre artistique qu'elle veut engagée, nous restitue un univers que l'on a rarement l'occasion de voir sur les écrans africains "colonisés" par les super productions hollywoodiennes et les téléfilms sud-américains à l'eau de rose. Un montage subtil, une musique dépouillée du jazzman belge Erwin Vann et la belle voix de la chanteuse mauritanienne Malouma font que le spectateur ne sent presque pas passer les 56 minutes que dure le documentaire.

MODOU MAMOUNE FAYE

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