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S'éloigner de l'Exil pour s'unir à la Mémoire
Retour à Gorée, de Pierre-Yves Borgeaud (Suisse)
critique
rédigé par Bassirou Niang
publié le 18/11/2007
Affiche réalisée par Bruce Clark (Afrique du Sud)
Affiche réalisée par Bruce Clark (Afrique du Sud)
Youssou NDOUR
Youssou NDOUR
Pierre-Yves BORGEAUD, réalisateur
Pierre-Yves BORGEAUD, réalisateur
Moncef GENOUD, pianiste, et Youssou NDOUR
Moncef GENOUD, pianiste, et Youssou NDOUR
Idris Muhammad, Batteur, Usa
Idris Muhammad, Batteur, Usa
Amiri BARAKA (Leroi JONES), poète, dramaturge, Usa
Amiri BARAKA (Leroi JONES), poète, dramaturge, Usa
Joseph NDIAYE
Joseph NDIAYE
Joseph Ndiaye - Il Fut Un Jour À Gorée... - L'esclavage Raconté Aux Enfants (Editions Michel Lafon, 124 p, 2006)
Joseph Ndiaye - Il Fut Un Jour À Gorée... - L'esclavage Raconté Aux Enfants (Editions Michel Lafon, 124 p, 2006)
Youssou Ndour
Youssou Ndour

"Exils et Mémoires" est le thème de ces rencontres cinématographiques du Gorée Diaspora Festival qui se déroule au Sénégal du 15 au 18 novembre 2007. Voilà qui en légitime les choix thématiques de films comme Retour à Gorée d'une durée de 108 minutes. Dans celui-ci, l'Afrique s'éloigne de ses rivages pour aller retrouver ses enfants vivant sur d'autres terres. Pour leur dire sa tendresse, par une voix de mémoire qui chante, à travers la personne de Youssou Ndour, et de jazzmans persuadés de la nécessité de dialoguer avec les racines, les origines.

"C'est peut-être les derniers rythmes d'au-revoir". Un au-revoir entre l'Afrique mère et ses enfants. La phrase est sortie de la bouche de Youssou Ndour, l'artiste musicien sénégalais, héros du film Retour à Gorée, réalisé par Pierre-Yves Borgeaud. Il s'exprimait face à Idris Muhammed, batteur jovial, à la spiritualité religieuse affichée, habitant New Orléans. L'œuvre cinématographique présentée ce samedi 17 novembre 2007 dans le cadre du Gorée Diaspora Festival, se veut chercheuse d'une mémoire réfugiée derrière une géographie.
Youssou est aux Etats-Unis d'Amérique, en compagnie d'Afro-Américains qui en retracent les contours de leur identité commune par le truchement d'instruments habitués à accoucher du jazz, du blues… Que vient-il réellement chercher chez ses fils lointains de ce que le poète appelle "le continent de la douleur debout" ? Identifier les traces de mémoire dans les sonorités des communautés noires dont les ancêtres ont été exilés, déportés sur les terres d'Amérique.
Chez Idris Muhammad, le chanteur réveille ses mots pour les laisser se berner par la contrebasse, la batterie, la trompette, le piano. Ainsi le sang rassemble ses fils. Retour à Gorée convoque une musique devenue matérialité sonore à laquelle se confient les regards, les émotions, le sentiment de se (re)découvrir. Chez les musiciens américains, Youssou écoute et réécoute des tambourins pour enfin faire le lien de l'appartenance commune : "J'entends cette musique chez moi et au Ghana", dira-t-il. Cela lui rappelle les rythmes "assiko" de Dakar Plateau. Les Negro Spirituals chantés dans une église de New Orleans par des voix chaleureuses de femmes et d'hommes conscientes de leur histoire, et qui cherchent à côtoyer leur mémoire, va permettre des échanges entre Noirs que la géographie sépare. Snug Harbor, James Cammack, ce sont des noms de joueurs de jazz accompagnant Youssou : "Fakhastalu" renaît d'un autre sang… Tout comme ailleurs le seront d'autres titres. La spiritualité habite les âmes.
Le voyage, c'est aussi des lieux comme New York, où l'on retrouve Grégoire Maret, Amiri Baraka, mais surtout ce chant à la complainte chaude et au relent tombale : "au fond de l'océan, il y a des voies pavées d'os humains…" ; Luxemburg où "la question de l'autre" revient dans une rencontre entre Noirs. C'est la contrée du musicien, Ernic Hammes, qui pense que "le centre de la musique, c'est la chanson". Aussi en élève-t-il la voix pour contempler le fond de son âme devant un Youssou ému, qui écoute religieusement. L'on s'abandonne mutuellement à l'amour de ses autres frères, de ses autres "moi-même".
Le film, par la progression de la mémoire, effectue le retour vers les lieux des origines, Gorée. L'île va accueillir dans le film Idris Muhammad et ses compagnons. La gravité du regard joue sur les expressions des visages lorsque le conservateur de la maison des esclaves, Joseph Ndiaye, explique le parcours douloureux de millions de Noirs partis par cette mer qui en sait tout, mais muette. Mais le chant qui s'élève en face de "la porte du non retour", deviendra mémoire réveillée, revisitée par des êtres que l'appel de l'amour maternel a transporté. "Retour à l'endroit où nos mères ont pleuré/ Retour à l'endroit où nos pères ont pleuré/ Retour au pays de Gorée", le chant dit à la fois le mal de ce que l'on pourrait qualifier d'exil premier et la joie de s'être séparé de l'égarement grâce à la mémoire retrouvée. Chants wolofs, Négro Spirituals, sons de jazz, sons de blues habitent le film tout en lui donnant une africanité légitime ou du moins des attributs d'une Afrique lovée au centre de sa véritable histoire. Les gros plans sur les visages, les plans rapprochés sur les instruments le disent si fort.
Et un seul mot à la fin : "merci pour la vérité !"

Bassirou NIANG
SÉNÉGAL

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