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"Le tournage de Barako a duré 7 heures d'horloge."
Interview de Glaï Brigitte Princesse Guiboe
critique
rédigé par Charles Ayetan
publié le 02/12/2007

Jeune cinéaste de nationalité ivoirienne, Glaï Brigitte Princesse Guiboe est la réalisatrice du film Barako, un court métrage de fiction qui traite de la question de l'unité, de l'entente entre les personnes et les peuples. Nous l'avons rencontrée à l'occasion du Festival International du Film Vidéo de Lomé (FIFIVIL 2007) à l'issue duquel son film Barako a reçu le Prix spécial "Traitement du thème". Peu après la projection de ce film au Goethe Institut de Lomé, elle a accepté de nous faire part de quelques révélations inédites sur le tournage de ce court métrage qui a déjà eu l'honneur de participer, hors compétition, au festival Clap Ivoire 2007.

Africiné : Peu avant la projection de votre film Barako, vous l'avez présenté très brièvement au public cinéphile. Quelle est la genèse de ce film ?
Glaï Brigitte Princesse Guiboe :
La réalisation de ce film a été vraiment une grâce parce que nous avons connu beaucoup de difficultés. Je devais participer à un festival et j'ai écrit un scénario un mois à l'avance. Tout était prêt pour le tournage dans un quartier d'Abidjan que nous avions repéré. Pendant les deux jours prévus pour le tournage, c'était la pluie. Or toute l'équipe, comédiens et techniciens, était déjà mobilisée et réunie. De retour à Cocody, un de mes collaborateurs m'a suggéré de modifier le scénario pour remédier aux difficultés liées au temps, au délai du tournage. Sur place, j'ai entamé la réécriture à partir de 18 heures. À 19h30, j'ai terminé le scénario et le tournage a commencé peu après.

A. : Si nous parlions un peu des conditions du tournage.
G. B. P. G. :
Le tournage de Barako a eu lieu de 20 heures à 3 heures du matin, soit 7 heures d'horloge. Ce ne fut pas facile. Il fallait donner toutes les directives aux comédiens, dont deux seulement avaient déjà joué dans des pièces de théâtre. De plus, tous les acteurs lisaient et mémorisaient les textes du dialogue à partir de l'unique copie du scénario, faute de photocopieur…
Pendant qu'on tournait, le caméraman a demandé de tout suspendre pour reprendre le lendemain, la caméra ne nous appartenant pas. Je suis rentrée au salon et me mis à pleurer. Pris de compassion, le caméraman renonce à partir et nous avons continué le tournage avec, cette fois, le soutien de tous. Le montage a duré 4 jours.
À défaut de participer à la compétition de Clap Ivoire 2007, Barako a eu l'honneur d'être retenu hors compétition pendant l'étape internationale de ce festival.

A. : Le drame de Barako repose une question d'héritage. Pourquoi une telle thématique ?
G. B. P. G. :
Ce qui m'a inspiré ce film, c'est la question de l'unité. Quand on est désuni, il y a toujours des problèmes. Il n'y a pas longtemps, mon pays a traversé une période de guerre, parce que les fils du pays n'étaient pas unis.
Dans mon film, les deux frères ont un même objectif : l'héritage. Et pour atteindre cet objectif, il faut être uni. Ce qui n'était pas le cas. C'est ainsi que le possesseur de leur héritage familial a pu les piéger…

A. : Peut-on attribuer l'image du colon au locataire, possesseur de l'héritage des deux frères ?
G. B. P. G. :
Chaque spectateur a une certaine vision, une certaine compréhension du film…
Le locataire, c'est aussi l'Occident qui, dans le passé, est venu prendre quelque chose qui nous appartenait. La génération d'aujourd'hui revendique cela. Cet Occident qui choisit de diviser pour régner. Des familles sont aujourd'hui divisées et vivent de part et d'autre des frontières. La génération présente cherche à récupérer cet héritage-là, mais il lui manque l'unité. À travers Barako, je lance un message aux jeunes de s'unir.
L'image du majordome, est celle de nos devanciers qui ne veulent pas que notre génération avance. Il y a des présidents aujourd'hui qui veulent mourir au pouvoir, des gens qui veulent mourir à leur tâche, à leur poste. Ils ne pensent qu'à eux seuls.
Mais dans le film, quelque temps après, le majordome du locataire perd tout de même son travail, lui qui avait tué le frère victorieux du duel fraternel et mortel pour conserver son emploi : c'est encore l'image de l'Occident qui lâchent ceux qui les ont servi.

A. : Avez-vous du soutien de la part de vos aînés dans le cinéma ?
G. B. P. G. :
Les aînés nous accordent un soutien moral mais non un soutien financier. Nous épargnons nous-mêmes pour financer (non pas moins difficilement) nos films.

Propos recueillis par Charles Ayetan
Journal Présence Chrétienne
Togo