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Night Shadows (Les fantômes de la nuit), Nasser BAKHTI (Suisse, Algérie)
Par-delà les stéréotypes
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 17/12/2007

Night Shadows (Les fantômes de la nuit) du cinéaste algérien Nasser Bakhti continue de faire sa tournée des festivals avec succès sans que cela n'attire trop l'attention. Au départ, il a été présenté comme la découverte de la septième session qui s'est tenue du 13 au 17 juin. Le palmarès n'a pas manqué de confirmer cela. En effet, le film avait haut la main le deuxième prix du meilleur long métrage de fiction en plus du prix de la meilleure interprétation féminine. Depuis il n'a pas cessé d'enchaîner les consécrations.

Le film fait parler de lui en remportant trois prix. En moins d'une semaine, il est primé dans trois festivals différents : Prix de la mise en scène au Festival AMAL, Festival International Euro Arabe à Santiago de Compostela (Espagne), Prix du public à la 28ème édition de la Mostra internationale du film de Valence, (Espagne) et le prix du meilleur réalisateur au Festival International du Film de Harlem, New York, (USA).
Produit entièrement en Suisse, le film n'est pas moins algérien dans son propos et sa sensibilité. Il est surtout une œuvre qui témoigne d'un sens profond de la force de l'image et du dépassement des clichés qui collent aux cinémas du Maghreb. En effet, parti dans la perspective de réaliser un film sur l'émigration, Nasser Bakhti s'est trouvé en face d'une matière qui déborde naturellement ce propos aux horizons limités. Il part donc dans l'exploration de destinés universelles sans pourtant que le film ne perde son âme profonde.
Parmi ses personnages, il y a certes des émigrés, et des sans papiers pour oser le mot. Toutefois ceux-ci ne sont pas les seuls à constituer le centre de son histoire s'il faut parler d'une histoire au sens d'intrigue linéaire. Le scénario est de ceux qui se construisent sur un dispositif à intrigues multiples pour converger vers un point nodal. La force de Nasser Bakhti est que ce point de convergence n'est pas narratif ni dramatique. Il participe par contre de la structure profonde du film.
Ce point c'est la nature des personnages imaginés par ce réalisateur né de la Nième génération de l'émigration sans en rester prisonnier. De ce fait même, il est aussi bien Suisse qu'Algérien ; son film est à son image. Il est surtout à l'image de cette faune dont il a choisi de sonder l'âme. Elle est par définition hétérogène comme toute les sociétés européennes d'émigration : Un Noir, un Maghrébin, une Suisse francophone, un autre germanique, et enfin le dernier qui est d'un mélange non identifiable. De ce point de vue on dirait que le film est de plein pied dans le cliché de la société mosaïque.
Mais c'est quand on en vient au traitement que Nasser Bakhti fait preuve de maturité cinématographique. Le film est construit sur l'image du double. Les personnages ne sont jamais ce qu'ils paraissent être au premier abord. Les dures se révèlent des êtres détruits, les épanouis des frustrés... Chacun ment au autres : celui-ci se présente comme un joueur de football professionnel alors qu'il n'est qu'un serveur dans un restaurant, l'autre prétend faire des études quand il n'est qu'un éboueur.
De l'autre côté on trouve des personnages qui servent de reflet les uns aux autres. Les deux policiers sont complètement le contraire l'un de l'autre. L'un est écrasé par son histoire, l'autre donne l'air de contrôler la situation. Le premier se révèlera être d'une âme très forte, l'autre sera largué par sa femme et ramené à sa juste dimension d'un homme écrasé par le poids d'une vie quotidienne sans goût.
De fait les personnages ont ceci de commun qu'ils viennent tous des bas fonds de Genève, de cette société qui les écrase sans aucune pitié. Chacun à sa petite histoire, chacun nourrit son petit rêve dans le coin le plus éloigné de son âme. De cela naît le déchirement tragique que Nasser Bakhti a tenté de sonder avec sa caméra sans se poser la question de l'origine spécifique de chaque personnage et donc sans se laisser piégé par le poids des stéréotypes du cinéma dit de l'émigration.

Hassouna Mansouri

Night Shadows (Les Fantômes de la nuit), Suisse / Algérie 2006.
De Nasser Bakhti
Avec Martin Hubert, HIcham Alhayat, Damantra Diarra, Madeleine Piguet...

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