AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 003 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Des images du monde
Festival international du film de Marrakech 2007 (Maroc)
critique
rédigé par Mohammed Bakrim
publié le 18/01/2008

De l'avis unanime des habitués du festival de Marrakech, ce sont les films qui font cette année la vedette. Moins de stars et paillettes et beaucoup de cinéphilie. Plus d'une centaine de films sont programmés dans différents sites du festival dont une vingtaine dans la sélection officielle composée de trois sections : la compétition officielle, le coup de cœur et l'hors compétition. Cette année le cinéma égyptien a volé la vedette au cinéma indien qui était un rendez-vous très populaire de Marrakech. La nouveauté cette année aussi c'est le panorama marocain qui propose 14 nouveaux films. Une vitrine qui permet aux observateurs internationaux (journalistes, directeurs de festivals, professionnels de cinéma…) d'avoir une idée sur la production marocaine d'une année. On apprend ainsi que beaucoup de contacts fructueux ont été noués dans la perspective de promouvoir davantage la présence marocaine à l'étranger…
À quelques heures de la proclamation du palmarès, on peut déjà parler de quelques films qui se sont démarqués ou du moins qui suscité l'intérêt du public. La compétition officielle compte cette année 15 films dessinant une carte du cinéma qui n'est pas celle du rapport de forces dominant en termes de marché. Ce sont par exemple deux films émanant de l'Est de l'Europe qui ont acquis une large adhésion de l'opinion publique du festival. Le film estonien Autumn ball propose une narration éclatée pour décrire par fragments successifs la vie de six habitants d'un ensemble immobilier renvoyant à une conception soviétique de l'urbanisme. Le film fait explicitement référence au cinéaste américain John Cassavetes dont le portrait apparaît dès la séquence d'ouverture. Nous sommes en fait en présence d'une variation locale du film Husbands, le film culte de Cassavetes.
L'autre film marquant de cette première partie du festival est le film serbe The Trap (Le piège). Nous sommes à Belgrade, un couple de classe moyenne apprend que son enfant est malade ; il faut une grosse somme d'argent pour pouvoir réaliser l'opération susceptible de le sauver. Le père est acculé à commettre l'irréparable pour réunir la somme. Cet argument ouvre un large horizon d'évolution dramatique avec des rebondissements qui relancent sans cesse le récit. Le tout porté par une économie narrative faite de retenue et d'équilibre. Une construction progressive mais en boucle puisque le récit commence comme une confession en voix off. Des images du début sont explicitées au fur et à mesure de la progression du drame.
L'Amérique nous offre un très beau film sur la génération quadra post 11 septembre. The savages est l'histoire quasi intime d'un frère et d'une sœur confrontée à la déchéance physique et mentale de leur père qui ne fut pas un modèle du genre. Tous les deux sont des intellectuels imbus de leur personnalité et de leur ego. C'est un formidable portrait en touches fines d'un univers fortement référentialisé (les titres des travaux de recherche du frère sont un régal intellectuel!). Le casting est magnifique avec un Philip Seymour Hoffman sublime. C'est sûr Milos Forman et son jury ne se sont pas ennuyés.

Tendances et mutations

Le palmarès de la septième édition du festival international du film vient confirmer la tendance que l'on qualifierait volontiers de cinéphilique qui caractérise désormais la ligne éditoriale du FIFM. Milos Forman et ses collègues du jury n'ont pas cherché le consensus mou ; ils ont placé la barre très haute quitte à se mettre en situation difficile pour trancher dans l'offre qui leur est proposée. Ils ont placé par exemple trois films en situation du lauréat du grand prix : le grand prix effectif celui du film estonien Automn ball, suivi de deux prix du jury Slingshot (Philippines) et du film russe The Hard-Hearted. Ce sont en fait les trois films qui ont suscité l'attention du jury. Auxquels s'ajoutent les deux prix d'interprétation qui sont allés en fait dans la même logique, celle d'aller vers un cinéma radical, surfant sur la périphérie du cinéma dominant. Le prix d'interprétation féminine est ainsi allé à la très jeune interprète du film coréen du sud With a girl of black soil alors que la compétition fut à ce niveau très serrée, y compris des chances pour la Marocaine Sanae Mouazine, mais le jury a refusé de verser dans la démagogie facile. Idem pour l'interprétation masculine qui est allé à un film finlandais. Ce sont quand même cinq films sur quinze qui ont été primés ; c'est-à-dire le tiers. Il faut donc penser élargir la participation et augmenter le nombre de films en compétition officielle. Dix-huit films me semble une bonne moyenne.
Il faut souligner à ce propos que la septième édition a été marquée par une double caractéristique. D'un côté, elle a permis de mettre en valeur les atouts et les points forts du FIFM qui est désormais doté d'une structure d'une ligne éditoriale voire d'une image de marque. Et de l'autre elle a pointé du doigt les mutations nécessaires et les réajustements qu'il faut introduire pour une nouvelle relance du festival. Le FIFM est un acquis pour Marrakech, le Maroc, le cinéma marocain. Il faut en être conscient et mettre les moyens qu'il faut surtout qu'en la matière les acquis ne sont jamais définitifs face à la concurrence qui fait du calendrier des festivals une véritable course contre la montre. Pour monter une immense opération de prestige telle celle du FIFM, il faut beaucoup d'idées (celle d'organiser un hommage au centenaire du cinéma égyptien fut une très belle initiative et un grand coup médiatique) un vaste réseau de relations à fructifier sans cesse (Martin Scorsese et Catherine Deneuve sont des valeurs sûres qui jouent en faveur du FIFM…mais il faut davantage) et surtout beaucoup de moyens et des moyens financiers. L'organisation doit suivre cette ambition pour sortir de la dualité paralysante pour une cohérence de la décision et une harmonie de la démarche.
Ce n'est pas un hasard si un colloque a été organisé au cœur du festival sous le thème de la mutation numérique qui va bouleverser la donne du cinéma. Le devenir du festival s'écrit sous le signe de la mutation; celle-ci ne doit pas être laissée à l'improvisation; elle doit être pensée et raisonnée à partir des tendances qui font la force et le charme du FIFM.

Mohammed Bakrim

événements liés