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La religion est vraiment l'opium du peuple
Au nom du Christ, de Roger Gnoan M'Bala (Côte d'ivoire)
critique
rédigé par Espéra Donouvossi
publié le 30/01/2008

Un artiste doit être en avance sur son temps. Réalisé depuis 1993, le film de Roger Gnoan M'Bala Au nom du Christ trouve son justificatif dans notre vie d'aujourd'hui puisque ayant traversé et résisté au temps. Ce film qui a reçu l'étalon de Yenenga, le grand prix du plus grand festival africain Fespaco en 1993, Au nom du Christ parle bien de la religion au nom de laquelle des innocents sont culpabilisés, des malheureux escroqués et des âmes faibles endoctrinées. N'importe qui se lève et devient prêcheur de la bonne nouvelle, la parole de Dieu. Au commencement, c'est des familles qui se divisent et s'entredéchirent et à la fin c'est le prêcheur sauveur qui se révèle voleur. Voleur des biens des fidèles emballés et endoctrinés, voleur des consciences résistantes et voleur des femmes de fidèles croyants. Tout ceci Gnamien Ato, le porcher, castreur et soudeur saoulard devenu en rêve le cousin du christ, l'a été. Ayant trop bu un jour, Gnamien Ato a failli se noyer dans un fleuve. Réveillé comme un possédé, il s'érige en un envoyé de Dieu car dans son rêve un enfant de Dieu d'une voix céleste lui aurait révélé le choix porté sur lui pour prêcher la bonne nouvelle et représenter l'enfant de Dieu dans le village, une mission prophétique de libérateur.

Ce merveilleux scénario, écrit par Gnoan M'Bala, J.M Adiaffi et Bertin Akaffou, est une satire de la société africaine d'aujourd'hui et pendant 90 minutes Gnoan M'Bala dénonce la malhonnêteté des hommes soit disant de Dieu et leur cupidité envers les fidèles adhérents. Même si le film est réalisé en côte d'Ivoire, il n'en demeure pas moins évident que l'histoire qui y est racontée dépasse les seules de ce pays et se voit un peu partout dans tous les pays africains. Le jeu des acteurs très éloquents, le décor du film, les images de nuit et de jour montrés et montés dans ce bijou africain sans oublier la souffrance quotidienne des populations peinte, le film avait tout pour s'imposer au grand prix du festival Fespaco. Quatre-ving minutes de satire sociale accompagnée d'une mélodie naïve rythmée et dansante qui emporte des populations dans une joie empoisonnée.

Les actions de guérison, les miracles opérés dont il a seul le secret, suffisent pour avoir l'adhésion en masse à cette nouvelle confession qui constituera l'opium de tout un peuple rendu malade par la malhonnêteté des hommes.

Un film plein de leçons de vie. Tout se perd ici bas. On peut trahir une partie du peuple tout le temps mais on ne peut trahir tout le peuple tout le temps. Ainsi le dénouement du film suggère une punition à tous ces hommes qui profitent de la naïveté des hommes en jouant avec leur conscience et en les escroquant. Il n'y a pire mort pour un peuple que de mourir spirituellement. Les Africains doivent se réveiller et cesseront de suivre des usurpateurs dans leur rêve qu'ils prennent pour révélation divine.

Il faut faire remarquer que dans ce film, le réalisateur agit beaucoup sur le rêve pour montrer le contenu vide de l'existence humaine. Quand on se laisse guider par ses rêves prémonitoires et des imaginations, on crée son monde et emballe tout un peuple. N'est ce pas cela aussi la force cinéma ? Le réalisateur ne serait-il pas en train de dire que la vie spirituelle n'est que du cinéma. Le bonheur, l'amour, la guérison résident en la foi en soi même. Qui ignore cette loi de la nature finira comme Magloire 1er, le cousin du christ qui est venu comme un héros et est parti comme zéro. Seul Dieu est immortel et tout le reste du cinéma, le cinéma que Roger Gnoan M'Bala a su bien faire.

Espéra G. DONOUVOSSI

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