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Cinémas africains, quelle visibilité ?
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 05/02/2008

L'année 2007 aura laissé comme l'impression qu'une époque était passée et une autre est déjà là. La mort de Ousmane Sembène, en juin 2007, ne pouvait en aucun cas passer inaperçue. "L'aîné des anciens", c'est ainsi que l'on est habitué à l'appeler, venait de marquer l'actualité cinématographique par un film qui aura secoué les bonnes consciences d'Afrique et d'ailleurs par la pertinence du sujet, la subtilité du traitement et la profondeur de l'engagement humain. Moolaadé, on le prendra désormais ainsi, aura été le film testament de l'emblème du cinéma africain.

Testament, ç'aura été aussi la leçon de cinéma que Sembène donna au festival de Cannes 2005. La reconnaissance dont jouissait cet autodidacte du cinéma, aura été le fruit de sa persévérance et de son engagement pour son continent et pour un cinéma qui se devait d'être un agent de développement.

L'actualité du cinéma africain montre que le flambeau ne se sera pas éteint avec lui. Les dernières années auront vu l'émergence de nouveaux noms et de leur confirmation comme auteurs ayant droit à la reconnaissance internationale. Au même festival, Bamako du Mauritano-Malien Abderrahmane Sissako, attirera toutes les lumières au festival de Cannes 2006 par l'accueil que lui a réservé aussi bien le public que la critique. La même année, Daratt, saison sèche du Tchadien Mahamat Saleh Haroun remportait haut la main le prix du jury dans un autre festival non moins important : Venise. Quelques mois après, en janvier 2007 pour être plus précis, le Festival International de Rotterdam rendait hommage aux deux réalisateurs, en témoignage de la place indiscutable qu'ils ont conquise.

Cette année, ce même festival réussit un coup double en invitant deux réalisateurs africains des deux générations. Youssef Chahine l'aîné et le porte drapeau du cinéma égyptien présentera son nouveau film, Hya Faoudha (Le Chaos, coréalisé avec Khaled Youssef. Abdellatif Kéchiche, le plus jeune, vient confirmer le succès qu'il a eu à la dernière biennale de Venise en remportant le Lion d'argent avec La Graine et le mulet.

Partout où il passe, ce film est présenté comme un film français. Mais, le réalisateur est d'origine tunisienne. Il a été connu d'abord comme acteur dans son pays d'origine, notamment dans Bezness de Nouri Bouzid, son compatriote. En outre les sujets de ses films précédents (La Faute à Voltaire et L'Esquive), et celui-ci en particulier, sont puisés dans une culture et une sensibilité typiquement maghrébine, pour ne pas dire encore plus spécifiquement tunisienne.

Ceci est très représentatif du paradoxe du cinéma africain qui se fait dans l'émigration. L'on comprend parfaitement que la logique de la production, ni celle des grandes scènes du cinéma mondial, ne suivent pas toujours celle de la création artistique. Cela montre en tout cas à quel point la reconnaissance dont le cinéma africain fait l'objet est problématique.

Malgré l'indigence de la production, les films qui parviennent à avoir leur place sous les feux de la rampe, et prendre leur part de la visibilité sur la scène mondiale, restent très peu nombreux par rapport au nombre combien même important de films africains dignes d'intérêt. Le monde ne voit en fait que la partie émergente de l'iceberg.

Sinon comment expliquer la quasi-invisibilité à l'échelle internationale de films qui sont reconnus en Afrique. L'année 2007, aura fait connaître aussi des cinéastes de grands talents comme le Nigérian Newton Aduaka, pour son film Ezra, le Guinéen Cheikh Fantamady Camara pour son film Il va pleuvoir sur Conakry, ou encore le Camerounais Jean-Pierre Bekolo pour son film Les Saignantes. Et l'on pourra citer bien d'autres non pas moins important parmi les succès africains les plus récents.

Il semblerait que la reconnaissance cinématographique aussi a deux poids de mesure. Les films qui voient le jour chez eux sont condamnés à y rester. Par contre ceux qui se font en Occident, ont plus de chance d'avoir une place sous le soleil. Et encore, cela concerne un petit nombre d'entre eux seulement, c'est-à-dire ceux qui jouissent de quelque faveur d'ordre politico-économique. Dans le même ordre d'idée, il n'est pas sûr que ceux qui sont reconnus en Occident seront bien accueillis chez eux. Le danger, dans ce sens ou dans l'autre, reste de taille : l'image de l'Afrique ne risque-t-elle pas d'être toujours quelque peu altérée, et au pire faussée.

Hassouna Mansouri

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