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Une Présidente élue au Cinéma
L'Amazone candidate, de Sanvi Panou (Bénin / Togo)
critique
rédigé par Espéra Donouvossi
publié le 06/02/2008

Documentaire portrait de 90 minutes, le tout dernier film du Béninois Sanvi Panou vivant en France réalisé en 2007 porte sur la combativité politique d'une femme décidée à démystifier le pouvoir politique. Ce pouvoir est resté jusque là l'apanage des hommes. On est précisément en 2001 et tous les Béninois sont surpris du bouleversement que tente de faire une femme en matière de politique. Candidate aux élections présidentielles de 2001, maître Marie Elise Gbèdo tient un discours flatteur. Son audace était appréciée de tout le monde mais les résultats n'ont pas été à l'image des impressions. Elle échoua et son échec n'avait rien de surprenant dans une société béninoise où la gente masculine s'impose partout et en toute chose.

Pourtant les élections suivantes, la dévouée candidate ne semble pas se décourager et dans un esprit d'optimiste, espère qu'un jour l'ordre sera bouleversé et une femme comme Marie Elise Gbèdo serait présidente de la République du Bénin. En 2006, elle ne sera plus seule candidate mais se verra challengée par une autre non moins combattante, Célestine Zannou.

Cette fois-ci le discours de "L'Amazone candidate" change et prend une toute autre allure. Maître Gbèdo tient désormais un discours engagé et dérangeur. Elle affronte verbalement ses adversaires, juste pour faire passer son message. Ce documentaire réalisé par le gestionnaire de salle de cinéma "Images d'ailleurs" en France, Sanvi PANOU semble jouer un rôle de communication politique à la campagne électorale du personnage principal de son film.

Projeté au Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou Fespaco 2007, ce documentaire n'a pas manqué de forcer l'admiration de la part des spectateurs qui acclamèrent à chaque phrase du discours politique de la candidate. La fougue avec laquelle elle dérive son message, l'argumentaire développé pour soutenir sa candidature et pour se faire élire, l'esprit de sociabilité avec lequel elle aborde les populations, surtout les messages portés aux femmes et aussi l'accent particulier qu'elle met sur la lutte contre la corruption et sur le développement social au Bénin, sont autant de choses qui fascinent les cinéphiles et qui convainquaient les populations rencontrées sur place. Mais cette conviction ne dure pas longtemps dans le cœur des femmes qui sont dominées par leurs maris et des maris qui sont dominés par le pouvoir de l'argent. Le discours tenu par la candidate Marie Elise Gbèdo fait d'elle la candidate idéale et la présidente idéale de la république. Le documentaire partout il est projeté transforme les salles de projection en un lieu de meeting politique. Les chants, les danses et les flots d'applaudissements donnent l'impression que tous les spectateurs voteraient pour cette amazone candidate et sans doute elle pourrait être élue par acclamation dans toutes les salles de cinéma où elle est projetée.

Ce documentaire, loin de mettre un projeteur sur les campagnes électorales de la candidate, n'a pas manqué de montrer combien l'espèce sonnante et trébuchante influence les élections en Afrique et surtout au Bénin. La candidate qui se veut l'exemple et la candidate du changement se refuse d'accéder au pouvoir en achetant la conscience des populations. Mais, en face, les moyens déployés par les autres candidats et les mobilisations humaines remarquées sont les effets logiques des moyens colossaux mis à contribution pour se faire élire.

Le film est un véritable outil de propagande touristique pour le Bénin. Il est tourné dans tous les départements du pays, du nord jusqu'au sud en montrant à chaque étape les réalités socio culturelles des localités. Les diverses danses mises à l'écran et exécutées par la candidate et les chants d'accueil des populations ne manquent pas de vendre touristiquement l'aspect socio culturel du pays. Mais l'autre chose qui sera vendue et qui aura désormais un effet sur les élections au Bénin, c'est le discours propagandiste que porte le documentaire. Quelque soit le bord politique des spectateurs, tout le monde peut s'accorder sur une chose : le discours est idéal pour le développement du pays et pour le bien être social des populations. Le poids communicationnel du cinéma est utilisé ici de façon efficace et tout peut changer si une promotion de ce film est faite au pays. La popularité de la candidate augmentera.

S'il est vrai que le film porte un message dans un langage compris de tout le monde, il n'en demeure pas moins grave que la technique utilisée par le réalisateur pourrait travestir la compréhension et rendre paradoxal son point de vue d'une telle élection au Bénin. Le choix de ce qui est montre et de ce qui est monte, la scénarisation, la mise en scène aussi minimale qu'elle soit excluent la croyance en la reproduction d'un réel brut. C'est un documentaire où le réalisateur n'hésite pas à afficher son choix politique et sa susceptibilité. Dans tous les cas, ce n'est pas un film d'art.

Il y a des choses dont le réalisateur pouvait nous en faire grâce pour la beauté du message de son film et pour l'image de la candidate qu'il n'a fait que vanter le mérite durant tout le film. Par exemple, là où la candidate se perd de chemin au moment où elle allait voter et la scène qui montre là où elle a failli tomber ; sont autant de choses qui pourraient rendre difficile le décodage de ce film documentaire.
Le film manque de précision sur ces élections de mars 2006 au Bénin. Le réalisateur a choisi délibérément de ne parler que des candidats qu'il voulait. S'il s'était fait plus clair et plus exhaustif par rapport aux 26 candidats qui étaient en lice, il aurait eu le mérite de voiler subtilement son choix politique qui intéresse très peu les spectateurs.

En dépit de tout, ce film vient ajouter du sel à la cinématographique béninoise qui est en plein essor et parle d'elle sur le plan national et international. Sorti en salles en France le 5 avril dernier 2007, ce film de Sanvi Panou qui a harangué la foule au dernier Fespaco a été sélectionné entre autres au 1er Festival Miroirs et Cinémas d'Afrique (MARSEILLE, France) en juillet 2007 et au Festival de CANNES en France en mai 2007 sur le pavillon de Sud.

Ce film mérite d'être vu et d'être promu car à travers lui on pourrait comprendre qu'avant Marie Hélène Johnson du Libéria à Ségolène Royal en France en passant par la chancelière allemande, une Amazone béninoise était déjà là et plus imposante. Ce documentaire prouve aussi qu'au Bénin la démocratie s'exécute dans la joie et à travers des moments festifs.

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