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La preuve de vérité
Geneinet El Asmak, de Yousry Nasrallah (Égypte)
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 09/02/2008

L'Aquarium (Geneinat El Asmak) Yousry Nasrallah est le seul film d'Afrique et du Monde Arabe en compétition officielle de la section Panorama de la 58ème Berlinale. Le cinéaste égyptien confirme la place de choix qu'il a comme l'un des auteurs les plus en vue de la génération actuelle des cinémas du Sud. Son nouveau film est fidèle aux soucis intellectuels et idéologiques de ses films précédents, sans jamais tomber dans les redites. À cela s'ajoute un travail subtil et conscient au niveau de la recherche formelle, choses rares dans nos cinématographies.

Dans ce film Yousry Nasrallah est à l'écoute. Le film se construit sur un moment : lorsque les langues se délient. Le choix des deux protagonistes répond à la perfection presque à cette intention. Laila (Alias Hind Sabri) et Youssef, deux êtres nocturnes, vivent les histoires des autres. Elle est animatrice de radio, il est anesthésiste. Les deux personnages ont été imaginés comme pour renverser le schéma de la vie ordinaire. Ils se réveillent lorsque les autres dorment, ils dorment lorsque les autres se réveillent. Leur monde est fait de vies en crise. Laila joue le rôle du vide-sac, Youssef envoie les gens dans l'obscurité de leur inconscience au moment le plus critique de leurs vies.

Leur rencontre est conçue comme une fatalité. Avant la rencontre physique, il y a d'abord celle d'un sentiment d'inconsistance dont est atteint chacun des deux personnages. Les deux sont hantés par l'idée de libérer les autres du poids de leur vie ordinaire. L'animatrice de radio a une émission de confidences pendant laquelle elle recueille les histoires les plus pathétiques des auditeurs. Quant à lui, c'est en dehors de son travail officiel qu'il trouve sa vocation : dans une clinique clandestine. C'est là qu'il recueille les histoires les plus tristes de jeunes filles venant avorter ou se faire une nouvelle virginité. Chacun de son côté se veut le réceptacle des maux d'une société atteinte de frayeur.

La peur et la liberté sont en effet, deux thèmes qui vont ensemble. Les deux héros offre un espace de liberté à des êtres qui ont peur. Une peur qui a plusieurs formes, mais dont la synthèse est celle de la parole. L'atmosphère nocturne et le rapport de discrétion ambiguë avec la radio d'une part, l'anesthésie et l'inconscience physique de l'autre sont en fait des espaces de liberté où les personnages se laissent aller, transcendent leur peur ou du moins l'affrontent. Les masques tombent dans l'obscurité pour que la lumière soit jetée sur des âmes perdues, pour qu'enfin des hommes et des femmes puissent se regarder en face.

Ce travail de mise à nu n'est pas surprenant de la part d'un cinéaste qui a toujours été en croisade contre la peur. Nasrallah est obsédé par les lieux de la liberté avec toutes ses applications : détrompons-nous celle de la politique est la plus facile à détecter parce que ce n'est que la partie émergeante de l'iceberg. La liberté apparait dans Geneinat El Asmak comme un besoin spirituel au sens le plus large du terme.

À ce besoin répondent les démarches des deux personnages. Les déambulations nocturnes de Youssef le mènent dans les lieux sombres, les bas fonds du Caire malade. Il est possédé par un élan qui le porte vers la négation de tout contrôle. Il en est de même pour Laila. Son émission est conçue comme une libération pour les autres. En effet, elle l'est essentiellement pour elle. Les deux personnages offrent la liberté aux autres à défaut de se l'offrir à soi-même.

Hassouna Mansouri
(Berlin)

Geneinet El Asmak (L'Aquarium)
De Yousri Nasrallah
Avec Hind Sabri, Dorra Zarrouk, Jamil Rateb..

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