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Marchand de Dieu
Au Nom du Christ, de Roger Gnoan M'Bala (Côte d'ivoire)
critique
rédigé par Justin Amoussou
publié le 17/02/2008

L'idée première qu'on se fait lorsqu'on entend parler du film Au Nom du Christ, du cinéaste ivoirien Roger Gnoan M'Bala, c'est bel et bien de voir une fiction qui traite des dévots de Dieu magnifiant les multiples miracles accomplis dans leur vie. C'est effectivement le cas, à la différence que, dans une satire, le réalisateur dénonce les dérives des religions qui servent de prétexte à tous les abus et à tous les pouvoirs.

Vente de "dieu" aux enchères, salut divin au plus offrant. Nombreux sont les responsables des sectes qui se sont enrichis avec ce système en incitant les fidèles à se dépouiller de leurs biens parfois les plus précieux. La force subversive de ces nouvelles religiosités est bien connue : couples brisés, familles divisées, enfants abandonnés. Pire, le phénomène n'est pas prêt de s'arrêter tant le pastorat est devenu, pour beaucoup d'animateurs des nouvelles églises, un gagne-pain sérieux.

L'accueil de Au Nom du Christ lors de sa sortie, en 1993, prouve que le cinéaste ivoirien a vu juste. Encore très actuel, ce long métrage tourné au sud de la Côte d'Ivoire, dans la forêt de Banko et dans un village côtier près d'Abidjan est une dénonciation des sectes et de leurs conséquences sur un continent où le chômage touche une grande partie de la population active. En effet, fatigués par des lendemains incertains, minés par la crise sociale, nombreux sont les Africains qui ont échouent dans ces nouvelles religions qui poussent comme des champignons d'un bout à l'autre. Alors, des chômeurs déguisés, reconvertis dans le pastorat, à la suite, d'une "illumination", d'une "révélation divine" mettent à profit les maux qui assaillent les populations. À défaut du porte à porte, c'est la voie publique qui est réquisitionnée par les prosélytes qui font prière de tout bois pour attirer les adeptes dans leurs cultes. Pas rien d'étonnant. L'accès à cette nouvelle profession ne demande ni qualification, ni diplôme requis. Simplement, son exercice requiert une parfaite maîtrise du verbe et quelque connaissance des évangiles.

Le film Au Nom du Christ est, en fait, le cri du cinéaste ivoirien pour dénoncer les marchands d'illusions qui prennent d'assaut presque toutes les villes de Afrique. Au Nom du Christ raconte l'histoire de Gnamien Ato, un pauvre porcher méprisé. Après avoir trop bu, il manque de se noyer. Ce dernier est, selon la révélation qu'il a eue, investi d'une mission : sauver son peuple de ses égarements. Il devient Magloire 1er, messager de Dieu et cousin du Christ. C'est le début de la folie religieuse d'un homme "illuminé". À l'aide de "miracles" dont il a seul le secret, le cousin du Christ pousse sa folie jusqu'à se croire immortel.

Au Nom du Christ a le mérite d'être retenu comme, lauréat du Grand Prix du Fespaco, l'Étalon de Yennenga, à Ouagadougou, en 1993, et du Prix Afrique en Créations, en Occident puisqu'il montre combien le film met sur le tapis un problème d'actualité sur le continent africain. C'est certainement par rapport au message véhiculé que le Centre Culturel Français de Cotonou au Bénin l'a programmé parmi les films en projection lors du festival "Les Étalons de Yennenga" qui se déroule actuellement pendant ce mois de février.

Justin AMOUSSOU

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