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Écran auriverde à Dakar
Festival du Cinéma Brésilien (du 24 au 26 Janvier 2008, Dakar)
critique
rédigé par Fatou Kiné Sène
publié le 22/02/2008

Du 24 au 26 janvier, l'Institut français de Dakar a abrité le festival du cinéma brésilien. Un événement qui a permis de découvrir une autre réalité des réalisations de ce pays.

Le Brésil produit autre chose que les télénovelas. Ces feuilletons omniprésents sur nos petits écrans, qui semblent adaptés de la collection "Arlequin", avaient fini par installer une vision déformante. Le festival du cinéma brésilien, organisé à Dakar du 24 au 26 janvier, a remis le décor en place. Il a permis de voir une autre facette des réalisations auriverde. Trois films étaient au programme à l'Institut français qui témoignent tous de la qualité du cinéma de ce pays-continent. Seuls des fictions long-métrages ont été choisies et montrées pour ce premier festival. La sélection a surtout opté pour une "production récente, encore trop peu connue", mais elle n'a pas été hasardeuse. Les sujets abordés ou suggérés par les films sont en rapport avec les préoccupations du monde actuel (Genre, environnement, dialogue des cultures).

Le festival a ouvert par une histoire de femmes, Filhas do vento (Les filles du vent, en portugais). Le film de Joel Zito Araujo, sorti en 2003, passe en revue une brochette des sentiments familiaux entre père et filles, entre sœurs. Cida et Jù, deux frangines, se retrouvent 45 ans après leur séparation, devant le cadavre de leur géniteur. Un père colérique, réparateur de bicyclettes bancales, qui de son vivant n'a jamais été équitable en affection envers ses deux filles. Complices dans leur jeunesse, celles-ci ont grandi en empruntant des chemins différents, rongées par l'injustice, le désamour, et une rancœur réciproques. Devant le cercueil du padré, Cida et Jù hésitent à rabibocher et surmonter leurs vieux sentiments. Réalisateur métis, Joel Zito Araujo peint un Brésil très coloré où la question des rapports entre les communautés noire et blanche apparaît en filigrane.

Au deuxième jour le public avait rendez-vous avec une comédie-écolo, Narradorès de Javé (Les conteurs de Javé) sortie en 2003 et signée Eliane Caffé. Face à la menace de construction d'un barrage hydroélectrique qui inonderait leurs terres, les villageois de la vallée de Javé n'ont qu'une seule solution : faire de leur terroir un patrimoine national. Une idée lumineuse surgit alors : convaincre que la mémoire de cette petite contrée est digne d'être conservée. Mais, filmer un récit oral, où se mêlent souvenirs plus ou moins exacts, mythes et légendes, peut-être un exercice de cinéma périlleux. Illustrée par des flashs-back, l'histoire est habilement racontée par un narrateur. Ce film comique se termine sur une note tragique. La vallée de Javé sera engloutie par les eaux. La prestation d'Antonio Bia y est sans doute pour quelque chose. Seul lettré dans le coin et recruté pour retranscrire sur papier les témoignages des villageois. Notre postier a surtout profité de son privilège de lettré pour assouvir ses fantasmes.

Le troisième jour a vu la projection de Cinéma Aspirines et Vautours, de Marcel Gomes. C'est un tranquille road-movie dans le sertao brésilien des années 40. Il est construit autour d'une amitié entre Ranulpho, un vendeur d'aspirines et Jahann, pacifiste allemand en exil, fuyant une guerre insensée. Leur camion déglingué est rempli d'aspirines, qu'ils vendent après la projection de film publicitaire, vantant les mérites de ce médicament, symbole d'un futur meilleur. La caméra se promène langoureusement dans ces immenses terres pauvres écrasées par le soleil, qui donne au film un aspect quelque peu monotone. Sélectionné à "Un certain regard" du festival de Cannes, Cinéma Aspirines et Vautours prend parfois les allures d'un documentaire humaniste et initiatique qui pose les années de braise un regard poétique, voire naïf. Gomes fait l'éloge de la différence en ces temps de frilosité et de paranoïa endémiques.

Trois jours, c'est sans doute trop peu pour avoir un panorama du cinéma brésilien que l'on dit en renaissance après quelques années de flottement. Et qui au regard de ces films proposés, a une certaine ressemblance avec le cinéma africain à travers les thématiques abordées. En organisant cette manifestation, le Brésil a voulu exposer la richesse de sa création cinématographique contemporaine. Il suit en cela l'exemple de plusieurs pays qui ont entrepris, par le biais de leur ambassade à Dakar, d'afficher les réalisations de leurs pays. C'est ainsi qu'il a été organisé, l'année dernière, des festivals du film, tunisien, japonais, coréen. Dans une ville sans salle de cinéma digne de ce nom de telles initiatives viennent combler un vide. Elles seront sans doute de nature à consoler le cinéphile dakarois. Espérons surtout qu'elles pousseront à ouvrir les yeux sur le septième art sénégalais.

Fatou Kiné SENE et Abdou Rahmane MBENGUE

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