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Algérie, histoires à ne pas dire, de Jean-Pierre Lledo
Retour sur les ombres algériennes
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 23/02/2008

Sortie France : 27 février 2008

Les tensions de l'actualité font trop souvent écran aux racines des maux de l'Algérie. C'est pourquoi Jean-Pierre Lledo tente de fouiller par ses documentaires, le passé de son pays, autour du passage à l'indépendance. Ses titres parlent d'eux mêmes. Après Un rêve algérien, 2003, Algérie, mes fantômes, 2005, il signe Algérie, histoires à ne pas dire, 2007, qui clôt une trilogie de l'exil autour de l'histoire coloniale algéro-française. Car depuis 1993, le cinéaste qui s'est fixé en France pour échapper à la menace intégriste, explore la mémoire et l'identité algériennes dans des portraits filmés tel Lisette Vincent, une femme algérienne, où les témoignages prédominent. Loin des deux fictions qu'il a mis en scène en Algérie, dans les années 1980, L'Empire des rêves et Lumières, les documentaires de Jean-Pierre Lledo cherchent à creuser davantage le sillon de la parole que celui du cinéma.

Algérie, histoires à ne pas dire est composé de quatre histoires dont les témoins abordent des aspects relégués de l'Histoire algérienne. Mais la remise en question de la légitimité du système politique développé depuis l'indépendance, repose d'abord sur des quêtes personnelles qui auraient pour fonction d'éclairer un propos plus général. "L'existence même de ce film, et les tandems que je forme avec mes personnages, est la preuve que notre génération commence à sortir de la vision raciale ou/et religieuse des rapports entre les gens", estime le cinéaste qui conçoit son entreprise comme "une aventure jamais encore tentée : entrer par le biais du vécu des témoins, dans le cœur de la pensée qui a animé les luttes anti-coloniales du XX ème siècle : le nationalisme".

Les protagonistes du film évoquent leur enfance dans les années de guerre, qui marquent les dernières décennies de la colonisation française. Aziz, enseignant à Mostaganem, se rappelle une insurrection déclenchée par l'ALN dans la région de Skikda où il est né. Katiba, animatrice à la radio, se promène dans la Casbah et Bab El Oued, en se souvenant que c'était le plus grand quartier pied-noir d'Alger. On évoque l'audience de Raymond, chanteur juif de musique andalouse, assassiné en 1961, à Constantine. Kheïreddine, metteur en scène de théâtre, âgé de 32 ans, fait remonter les récits de sa famille sur le meurtre d'Européens, le jour de l'indépendance. Ces témoignages sont rythmés par des chants sacrés andalous, interprétés par la voix d'alto de Hayet Ayad.

En accompagnant ses témoins de Skikda à Oran, Jean-Pierre Lledo oriente les souvenirs vers la cohabitation avec les Juifs, les Pieds-noirs qui entretenaient des relations intercommunautaires dans une certaine harmonie, avant d'être poussé à l'exil par l'indépendance. "Ce type de pensée où l'ennemi est l'Autre en religion, qu'il soit démuni ou possédant, sympathisant ou opposant au système colonial, n'a jamais été déconstruit après l'indépendance", observe Jean-Pierre Lledo qui s'appuie sur une production franco-algérienne, pour réaliser un film dépassant deux heures trente. "Mon souhait est qu'en revenant sur les souffrances, les rapprochements, les connivences et les brassages, il aide les jeunes générations à mieux penser leurs avenirs qui seront forcément métissés, les colonisations n'ayant été, de mon point de vue, qu'une des formes violentes et archaïques, de ce que l'on n'appelait pas alors la'mondialisation'."

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

Algérie, histoires à ne pas dire
LM Documentaire de Jean-Pierre Lledo, Algérie / France, 2007

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