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Télévision cinéma : les vraies fausses raisons d'une rupture
Dossier n°3 Cinéma - télévision
critique
rédigé par Caroline Tuina
publié le 25/02/2008
Delphine OUATTARA
Delphine OUATTARA
L'Or des Younga (2006), Western
L'Or des Younga (2006), Western
Les Saignantes (2007), Science fiction
Les Saignantes (2007), Science fiction
Caroline TUINA OUANRE
Caroline TUINA OUANRE

Longtemps reconnu comme idéal, le ménage télévision cinéma est désormais décrit comme sérieusement… bruyant. Comme dans tout couple classique, où le plus fort finit par phagocyter le plus faible, la télévision même si elle n'a pas encore effacé le cinéma lui fait quelques ombres. Lassée de jouer les rôles de diffuseuse pour le cinéma, la télévision s'est taillée un autre rôle sur mesure : celui de productrice du cinéma.
Décriée ou applaudie, la situation ne laisse pas indifférent tant le couple avait suscité beaucoup de rêves et d'espoirs. Tentative d'analyse.

Pendant longtemps, le petit écran a joué le rôle de tremplin vers le grand. Et pour plus d'un comédien ou acteur, la télévision a été considérée comme le passage obligé vers le cinéma, tout comme les planches devaient servir de relais vers les écrans. Ainsi, tout comme Will Smith confiait lors d'une interview que "la télévision m'a préparé pour le cinéma", Delphine Ouattara, célèbre comédienne burkinabé reconnaîtra que le petit écran est l'antichambre du grand. Le fait que ces deux acteurs appartiennent à deux mondes cinématographiques très différents ne semble pas avoir d'impact sur le contrat tacite qui assignait à la télévision le rôle de passerelle vers le cinéma.

Même pour les autres maillons de la chaîne du cinéma, ce partenariat télévision cinéma est reconnu et même parfois salué. Pour plus d'un réalisateur en effet la télévision sert la cause du grand écran ne serait-ce que pour la place qu'elle offre pour la bande annonce d'un film.
Jusqu'à une certaine époque donc, tout se passe bien tant que le petit écran ne lorgne pas la place du grand. C'était la belle époque.
L'on commence à ressentir les remue-ménages du couple à partir du moment où les ambitions de la télévision se font de plus en plus grandes, des ambitions peu soucieuses du respect de ce que d'aucuns ont qualifié de " droit de séniorité" vis-à-vis du cinéma.

De nos jours en effet, on retrouve facilement la télévision sur des plates bandes que l'on croyait exclusivement acquises pour le cinéma quand elle n'est pas simplement pierre angulaire du cinéma.
C'est ainsi qu'en plus des fonctions spécifiques qui sont les siennes comme informer, éduquer, distraire pour la plupart des chaînes publiques africaines, l'on retrouve de plus en plus de chaînes de télévision avec pour marque de fabrique "cinéma !" : Canal+ horizon, Ciné-cinéma ou Action (pour ne citer que celles là) s'évertuent à qui mieux mieux pour la conquête du public. À ce propos, il serait d'ailleurs intéressant de sonder l'audience des salles de cinéma depuis le boom des bouquets satellitaires…

Cette spécialisation de la télévision a eu entre autres effets la banalisation du produit de cinéma. Ainsi, le film est devenu un programme télé comme un autre, du fait du rôle de production ou tout au moins de co-production que la télévision joue au cinéma.
Pour le cas de la télévision du Burkina aussi, c'est une tendance qui est en train de se confirmer.
À l'heure où le débat se tient, il semble pour certains observateurs que le "désamour" soit… parfait dans le couple télévision cinéma. Certains diront même que le petit écran a phagocyté le grand. Et cette réalité vaut pour des couples télé-cinéma de bon nombre de pays.

Au Burkina Faso par exemple, cette propension de la télé à se substituer au grand écran est remarquable même si, dans une certaine mesure, la collaboration télé cinéma continue son bonhomme de chemin, et chaque édition du FESPACO est une bonne occasion pour resserrer les liens. Pendant cette "fête du cinéma panafricain", petit et grand écran deviennent particulièrement proches. Pendant les 10 jours que dure le festival, l'écran de la télévision nationale se transforme totalement en tribune de films africains sans compter les émissions spéciales. L'on se souvient encore de la page spéciale "FESPACO à la télé" que la Radiodiffusion Télévision du Burkina (RTB) a animé lors de la dernière édition.
En dehors du festival, une autre page reste offerte au cinéma africain à travers le magasine "Écran total".
Même si elle est souvent taxée de se laisser envahir de télénovelas et autres productions importées, " la télévision nationale du Burkina essaie de frayer une place non négligeable aux productions africaines et nationales. Tous les fidèles du petit écran burkinabé savent que la soirée cinéma du mercredi est consacrée aux films africains soit 3 heures d'antennes par semaine, diffusion et rediffusion comprises", explique le responsable des programmes de la RTB, Boureima YODA.
En comptabilisant l'espace d'antenne des téléfilms on en arrive à une moyenne de 6 heures soit 5,60 % de temps d'antenne sur les 107 heures qu'offre la télévision nationale dans la semaine.
Sur un plan général, le souci devrait être alors de se faire une idée des raisons de ces divergences qui opposent de plus en plus petits et grands écrans d'autant qu'il n'y a pas si longtemps, l'harmonie semblait être au beau fixe. Certaines analyses on vite fait de charger la télévision de toutes les difficultés du cinéma.

Cependant ne serait-il pas injuste voire partisan de tenir la télévision pour seule responsable de la perte de vitesse du 7e art ? La télévision n'aurait-elle pas simplement occupé une place qui risquait de rester vide ?

Certes aujourd'hui c'est la télévision qui est accusée de faire de l'ombre au cinéma, mais on se souvient qu'il n'y a pas si longtemps, le grand écran traînait encore le sobriquet de "cinéma de subvention". Une subvention que lui apportaient des gouvernements et autres institutions.Et l'époque de cette subvention est d'ailleurs entrain de s'étioler, les cordons de la bourse des mécènes se déliant de plus en plus difficilement. À qui la faute donc si aujourd'hui le cinéma est devenu un simple produit télé du fait de la subvention des chaînes de télévision ?

Autant reconnaître que les difficultés du cinéma ne datent pas de l'essor des chaînes de télévision.
Subvention pour subvention, il n'est peut-être pas plus humiliant pour le 7e art de tendre la main au petit écran plutôt qu'à tout autre institution. Adieu donc toutes les pudiques ambitions de briller de tous les feux de 7e art, logique de rentabilisation et logique artistique faisant difficilement bon ménage.

À cette étape aussi, un autre souci : quel doit être le baromètre de qualité d'un film ? Est-ce la masse de cinéphiles qu'il convie dans les salles obscures ou plutôt la qualité se mesurerait-elle au nombre de récompenses glanées dans les festivals ?... d'autant que les films les plus appréciés du public ne sont pas toujours ceux qui remportent les plus hautes distinctions dans les compétitions. C'est même très souvent la situation contraire que l'on constate.
Heureusement il y a encore les prix du public…

Ainsi la guéguerre entre réalisateurs pour distinguer les cinéastes (ceux qui tournent en 35 mm avec des budgets jugés respectables) des vidéastes (ceux qui tournent en vidéo avec tout ce que le terme comporte comme charge négative) devient caduque : tous autant qu'ils sont risquent la moule télévision et même pire, il y a la menace Internet.

En effet, il est impossible d'ignorer le rôle néfaste du web pour toutes les productions et pour le cinéma en particulier. Contrairement à la télévision qui est facilement saisissable, la toile est une véritable hydre de Lerne.
Et s'il est acquis que la télévision joue désormais ce rôle de "moteur" du cinéma, alors il est grand temps de définir ou redéfinir les modalités de ce new deal petit écran grand écran.

Caroline Ouanré

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