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En coupe réglée
Dossier n°3 Cinéma - télévision
critique
rédigé par Yvette Mbogo
publié le 05/03/2008

Les successives mutations des habitudes de fréquentation des salles de cinéma ont marqué la dualité cinéma et télévision au Cameroun.

La décennie 1970-1980 aura été sans conteste la période faste du cinéma au Cameroun. Avec l'avènement de la télévision dans la moitié des années 1980, la consommation du cinéma sur grand écran a largement diminué, poussant la quasi-totalité des exploitants à la ruine. L'arrivée de la crise économique a eu une incidence sur les habitudes de distraction des Camerounais. Il fallait par deux fois réfléchir pour payer un ticket d'entrée dans une salle de cinéma. Le système de câblodistribution dans la décade 1990-2000 a été pour beaucoup la descente aux enfers du cinéma sur tous les angles. Le nombre de cinéphiles a considérablement diminué, beaucoup préférant attendre le nouveau film devant le petit écran, à domicile.

L'âge d'or du cinéma

Qu'elle est bien loin, l'époque où l'on voyait encore de longues files d'attentes devant les guichets des salles de cinéma du Cameroun ! La soixantaine de salles de cinéma avaient une variété de genres qui gavaient les cinéphiles. Les exploitants projetaient des films selon les préférences de leur public. À Douala, les salles ABC, Grand Canyon, Rex, Etoile et Berlitz…, Rex, Mfoundi, Febé, Mefou… à Yaoundé, avoisinant les quartiers mal famés, proposaient des films chinois et hindous avec une fréquence scrupuleusement respectée. Les jeunes de ces quartiers pouvaient reconnaître leur quotidien à travers les images. Et les exploitants de salles se frottaient les mains car, ces films aujourd'hui démodés, faisaient salle comble. Les nantis par contre, allaient au cinéma dans les salles chic de l'époque. Wouri, Concorde, Le Bonapriso, Capitole, Abbia étaient des lieux de rendez-vous du week-end. Le prix du ticket n'était pas un moyen de dissuasion pour celui qui voulait voir un film.

Puis la télévision est arrivée. Les habitudes de fréquentation des salles du 7è art ont commencé à muter progressivement. Dans ce bouleversement grandissant au fil des ans, bon nombre de salles ont fait faillite. L'audiovisuel a ravi la vedette au cinéma et l'a plongé dans un marasme durable. La faute à la crise économique survenue aux alentours des années 87, qui est venue comme pour saper la fréquentation des salles de cinéma chez les Camerounais. Le cinéma s'est transporté dans les domiciles, avec des succès plus ou moins réchauffés, avec des acteurs qui avaient leurs lettres de noblesse dans les grandes salles. Alain Delon, Jean Paul Belmondo, John Wayne, Charles Bronson, Jackie Chan…, ont fait rêver, le temps d'une rose les téléspectateurs de la première heure.

Peu de ménages disposaient à une certaine époque d'un poste de télévision. Dès l'ouverture d'antenne de la télévision nationale, des voisins, parents et plein d'enfants élisaient domicile chez ceux qui en disposaient. Cela transformait leur séjour en salle de cinéma et l'heure de fermeture d'antenne arrivée, le salon se vidait aussitôt comme par enchantement. Aujourd'hui, avec le système de câblodistribution, tous les films vus en salle sont aussi visionnés sur le petit écran à la maison en toute quiétude. La multitude de chaînes exclusivement destinées aux films déstabiliserait plus d'un exploitant. Au-delà de la maigreur de la bourse, il y a encore des personnes qui savourent mieux un film sur grand écran qu'à la télévision.

Le temps a passé, mais la belle fiancée qu'était la télévision ne fait plus fantasmer. L'attrait du cinéma sur petit écran s'est progressivement érodé, le téléfilm a cessé de fasciner. Dynastie, Dallas, Falcon Crest, Catherine, Les yeux bleus, Mademoiselle, Virginia, Santa Barbara, Chaka Zulu, Racines, Deux flics à Miami, Derrick, Le renard, Inspecteur Colombo…, s'en sont allés, ne laissant de tristes souvenirs qu'aux aux nostalgiques.

Et pourtant, quelques téméraires, à l'instar du cinéma théâtre Abbia, qui est l'un des chefs de file d'un réseau de distribution animé par le mastodonte American Metropolitan International, relayé par une filiale camerounaise, Cinenews Distribution, a continué de maintenir la flamme du cinéma en salle, aidé en cela par un dispositif original organisé autour d'un partenariat avec plusieurs médias de la place.

Les avant-premières et le public

Servant à sa clientèle les dernières productions cinématographiques sorties dans les salles aux Usa et en Europe dans les mêmes délais, à quelques jours près que les sorties mondiales, c'est dire combien cette salle tient le haut du pavé du cinéma aussi bien au Cameroun que dans toute la sous-région Afrique centrale.

Les responsables de la structure ont instauré une nouvelle politique aguicheuse, pouvant drainer grand monde. La programmation dite "Avant-première", a le mérite de fidéliser un public avide de nouveauté, certes encore public atypique et très élitiste, mais qui recommence à avoir ses habitudes au cinéma. L'Abbia à Yaoundé, le cinéma le Wouri à Douala ou le cinéma l'empire à Bafoussam sont redevenus des hauts lieux pour la jet set. Le cinéma américain a pignon sur rue ici. Les genres ont une importance moindre, toute la magie résidant dans la diffusion des spots et autres bandes annonces. Le manège porte et provoque une ruée vers les guichets. Ainsi, les films historiques, d'aventure, d'amour, de cape et d'épée, le polar ou de science-fiction sont toujours consommés avec le même enthousiasme. Le prétexte de cette fréquentation des salles est pourtant à rechercher ailleurs.

Généralement, ce sont de jeunes gens, des couples amoureux ou d'adolescents en mal de sorties qui vont assidûment aux avant-premières. Et le cinéma Abbia réussit à monopoliser son public avec des concepts insolites tels que le " Jeudi des filles", "Matinée 14 ou 16h". Mais il faut reconnaître que c'est aussi la buvette du balcon, les diverses tombolas, les victuailles tel le pop corn, et surtout non des moindres, les escapades à la fin du film, qui attirent les pubères en mal de sorties.

La câblodistribution, nouveau conquistador

Accessible à hauteur de 5000FCFA [7,5 euros] par mois, la câblodistribution est venue siffler la mi-temps dans ce duel dont on ne connaît encore ni la durée, ni l'issue, avant de dicter sa loi et de donner de la hauteur à la télévision au Cameroun. Dans la mesure où les images satellitaires permettent au plus grand nombre de regarder le même film, mêmes des succès planétaires, dont les droits sont souvent pré achetés par les chaînes de télévision présentes dans le bouquet, quel que soit l'endroit du globe où l'on se trouve, il n'est évident actuellement de débourser 2500F.Cfa [3,75 euros], le coût du ticket de cinéma au Cameroun. Avec le faible pouvoir d'achat, des millions de Camerounais choisissent souvent de regarder le film à la télé. Pérennisant de ce fait la guerre que se livrent la télévision et le cinéma.

Yvette Mbogo1

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