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"Je parle de la société dans laquelle je vis"
Hélène Ebah, cinéaste camerounaise
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 08/03/2008

Hélène Ebah s'explique sur son premier long métrage, Les blessures inguérissables, projeté en avant-première mondiale au cinéma Abbia de Yaoundé.

Pourquoi ce film, pourquoi ce titre ?
En 2001, j'ai constaté qu'il existait beaucoup de veuves au Cameroun. Et je ne trouvais pas qu'on s'occupait vraiment d'elles. Beaucoup s'en plaignaient tout le temps, quand bien même elles vivaient dans des conditions aisées. Je trouvais que cela relevait de la déprime, et que les conditions psychologiques de leur vie n'étaient pas prises en compte en Afrique.
D'un autre point de vue, c'est l'image qu'on a des femmes africaines à l'étranger qui me dérangeait. On ne leur prête pas de vie intellectuelle, comme si dans leur tête, elles se promènent avec le foyer, avec des problèmes de survie, alors qu'elles se posent les mêmes problèmes que toutes les autres femmes du monde. Exemple : la maternité ; est-ce que à un moment, on s'est posé la question de savoir si des femmes africaines ne souhaitent pas être mères ? En Afrique, elles n'ont pas le droit de se poser cette question, mais en Europe, oui. Pourtant, le taux d'infanticides ici est très élevé.
Il y a d'autres raisons telles que le mariage qui, lorsqu'il concerne la femme, devient en fait une condition pour être une femme : il faut que la femme se marie et ait des enfants. Même quand elle en a envie, il faut lui laisser la possibilité de faire autre chose, si elle le veut. C'est une question de choix de vie. On ne leur prête que des instincts maternels, des instincts de survie, comme dans la jungle. Du coup, les considérations sur les Noires ne changent pas : nous sommes toujours des animaux. Il fallait donc les faire parler de ce qu'elles ressentent, des situations qu'elles vivent, pour qu'on leur donne le droit de vivre comme des êtres humains à part entière.

Et comment caractérises-tu ton cinéma ?
J'ai été influencée comme tout le monde. Je n'ai pas la prétention de dire que j'ai un cinéma à moi. J'ai ma façon d'aborder les récits. C'est une question de point de vue. Si à un moment je choisis de ne pas m'embarquer dans des mouvements de caméra très compliqués, c'est parce que je veux rester proche des personnages qui parlent tout le temps. Je veux leur laisser une vitrine. En fait, ce sont des expositions, des tableaux.

Votre film rappelle le théâtre classique…
C'est vrai. C'est d'ailleurs pourquoi on y trouve des personnages assez fantaisistes et burlesques. A certains moments, pour certains d'entre eux, je veux même faire dans la caricature. C'est pour moi une façon de parler un peu de la société dans laquelle on vit, et qui est en complet disfonctionnement.

Pourquoi les ombres ou les doubles sont-ils si présents dans le film ?
Dès le départ, j'ai voulu créer cette confusion, je voulais que les gens se posent la question de savoir si ces gens-là existent réellement ou pas, parce que tout le monde plane, tout le monde est dans son intérieur. Et on sait que quand on vit dans sa tête, on peut tout se permettre.

Entretien mené par Jean-Marie Mollo Olinga

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