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Le grand frisson
Go With Peace Jamil, de Omar Shargawi (Danemark)
critique
rédigé par Télesphore Mba Bizo
publié le 10/03/2008

Tout le monde en rit sous cape. Pourtant, le film collecte les palmes. Il y a donc dissonance. En effet, les jurys affirment leur dégoût à chaque projection Go With Peace Jamil. Or, ils sont les mêmes à lui décerner les prix. Entre ignorance sournoise et reconnaissance suprême à Göteborg et Rotterdam la même semaine, le présent texte révèle la raison-d'être de certaines hypocrisies.

Une pierre à la place du cœur. Il en faut pour consommer Go With Peace Jamil et rester de marbre. Le cas échéant, c'est le chaos assuré car le cœur du spectateur peut lâcher. Frissons et actions s'arrachent la part du lion dans la chaîne narrative. Les acteurs frappent bien et fort. Et les sujets opposés sont des habiles "encaisseurs". Le film n'est pas un numéro de chevalerie martiale à la Jackie Chan, mais c'est tout comme. Karaté et Kung-Fu rivalisent de coups. Les armes à feu crachent la mort ; les armes blanches aussi. Le film est un bain de sang. Il prend les allures de ciné-réalité à cause ou grâce aux conditions de réception. Quand elles sont optimales, le système de sonorisation Dolby reproduit à fond la caisse les moindres détails de frappe et de casse. Le spectateur naïf demeure bouche bée jusqu'au générique de fin.
Cette béance est entretenue par la violence à l'écran. Elle a entraîné nombre d'observateurs à médire de ce film. Il se rapproche du cinéma commercial. Un doigt invisible semble pointé contre les Etats-Unis. Il est reproché à la bannière étoilée d'influencer le produit de Omar Shargawi. En effet, Go With Peace Jamil est synonyme de visionner Steven Seagal dans ses œuvres.

Le style, c'est l'homme
Go With Peace Jamil est fabriqué à l'image de son créateur. En Omar Shargawi, il y a plus d'Amérique et moins de Danemark. Sens de la mesure dans la démarche, smooking bien coupé, le jeune réalisateur avait fait de Rotterdam son Las Vegas. Sympathie dans le regard, réserve dans le ton et politesse dans la poignée de main, Omar Shargawi sait distinguer le critique flatteur de l'analyste percutant et pertinent quand Go With Peace Jamil est mis la table des discussions. Son ouverture à la critique qu'émet son vis-à-vis a inspiré une interrogation quant à l'usage inflationniste qu'il fait des gros plans sur des visages abîmés baignant dans de l'hémoglobine. En réaction, il faut exploiter la force pour taire la violence. Il donne raison à la rengaine populaire : "qui veut la paix, prépare la guerre". La preuve vient des casques bleus. Ils imposent la stabilité à travers le monde en faisant parler les armes lourdes et légères.

Coup de génie
L'angle de traitement de la question islamique est une fausse piste dans le film. Il ne s'agit pas de la guerre des religions où islamisme oriental et christianisme occidental s'opposent dans un bras de fer sans miséricorde. L'inhabituel ici, c'est que la mosquée devient le théâtre des combats. Des dissensions internes déchirent les Musulmans. Sunnites et Chiites se livrent une guerre sans merci. L'interprétation du Coran les divise. Les uns sont accusés d'être tolérants. Les autres pécheraient à cause de leur radicalisme. Omar Shargawi réussit à éviter l'actualité. D'abord, celle qui définit le Musulman à partir des a priori chrétiens de poseur de bombe ou de terroriste. Enfin, celle qui désigne le Chrétien comme l'Infidèle et le Musulman comme combattant de la liberté. En somme, Omar Shargawi lave le linge sale en famille.

Niveau de lecture
La compréhension de Go With Peace Jamil dépend du niveau de lecture. S'il faut s'en tenir à la surface, le film en question, fort de son taux de brutalité et d'émotion, relève du cinéma commercial. Par contre, une lecture à partir de la structure profonde aligne Go With Peace Jamil dans le sillage de la construction de la paix. Une personnage jette sa glace dans une rigole parce qu'il apprend qu'elle contient de la graisse de porc. Cette intolérance est anéantie à la fin du récit. En effet, Jamil, le King Kong, défait tous ennemis au combat. Mais son père lui prêche l'inutilité du muscle. Le message ne tombe pas dans des oreilles de sourd. Ses anciens membres de l'association des malfaiteurs s'en offusquent. Dans une bagarre de rue contre une faction rivale, Jamil se laisse amocher le portrait à dessein. Il passe ainsi le message de la paix. La plus grande des victoires ne se gagne pas sur un adversaire, mais sur soi-même et les convictions personnelles. Cette catégorie de lecture morale a, à coup sûr, retenu l'attention des jurys néerlandais et suédois. Cependant, il faut du culot pour faire côtoyer auteurisme et cinéma commercial. Omar Shargawi a su marcher sur les œufs.

Télesphore MBA BIZO

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