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Les frémissements du court-métrage tunisien
critique
rédigé par Ikbal Zalila
publié le 21/03/2008

Le 10 Décembre 2007 a vu la sortie en salles du premier programme de cinéma entièrement dédié au court-métrage. Il s'agit d'un programme de douze courts comprenant la série "Dix courts, dix regards" produite par Brahim Ltaief, à laquelle ont été ajoutés Visa du même Brahim Letaïef et Casting pour un mariage de Farés Naanee. Dans la foulée de cet événement, l'association tunisienne pour la promotion de la critique cinématographique a organisé la troisième édition de la nuit du court-métrage en partenariat avec les salles "le Mondial", "Africart" et la "Maison du court et du documentaire". Cette édition s'est étalée sur deux jours les 27 et 28 Décembre et comportait deux programmes de courts métrages produits en 2006 et 2007 : un premier programme constitué de films tournés en caméra numérique et un second dédié aux courts tournés en pellicule.
La concomitance de ces deux événements est la preuve que quelque chose est en train de changer quant à la situation du court-métrage en Tunisie.

Quantitativement, les deux dernières années ont connu la production de pas moins d'une quarantaine de courts métrages entre films subventionnés par le ministère de la culture tournés dans des conditions relativement confortables et films "fauchés" qui ont vu le jour à l'initiative de jeunes producteurs.

Le numérique a décisivement contribué à la démocratisation du cinéma et a permis de jeunes cinéastes de faire leurs premiers pas dans la profession. Des films comme La citerne de Lassaad Oueslati, L'automne de Aleeddine Slim, et Ayan ken de Ridha Tlili auraient pu difficilement voir le jour il y a quelques années. Réalisés par de parfaits inconnus fraichement diplômés de l'Isamm avec très peu de moyens autoproduits pour les deux derniers par "Exit productions", tournés en numérique entre copains, ces films sont représentatifs des nouvelles possibilités qu'offre cette technologie pour de jeunes réalisateurs. Ce support est aussi synonyme de liberté et de fraîcheur dans un paysage cinématographique plutôt dévasté où les lendemains s'annoncent sombres. La modicité des moyens, l'affranchissement de l'autorité de tutelle et du diktat d'un producteur constituent l'occasion idoine pour des expérimentations formelles et une audace thématique salutaires pour un cinéma en hibernation depuis quelques années déjà.

Parallèlement à cette floraison de premiers courts de jeunes diplômés d'écoles de cinéma et à l'initiative du producteur Brahim Ltaief, "Dix courts dix regards" a vu le jour en 2006 avec le succès qu'on lui a connu (présence à Cannes lors de la journée de la Tunisie). Le concept est à la fois simple et original pour la Tunisie : réaliser dix courts métrages tournés selon un cahier de charge identique pour les dix jeunes réalisateurs sélectionnés sur scénario et "coachés" par des professionnels confirmés. Du côté des films subventionnés par le ministère, il y a lieu de se réjouir que l'aide à la production a rendu possible l'émergence de cinéastes tels que Mourad Ben Cheikh, Anis Lassoued (dont le court a été primé dans plusieurs festivals internationaux), ou encore Sami el Haj dont La fausse copie est un petit joyau d'intelligence et de cinéma.Cette diversité et cette richesse sont autant de signes d'un renouvellement de générations en cours dans le champ cinématographique. La qualité de certains de ces courts-métrages met en lumière une exigence esthétique et de vraies personnalités de cinéastes qu'il faut encourager et savoir préserver. Une des conditions réside dans le fait de trouver des débouchés à ces courts métrages pour les sortir de l'anonymat auquel ils sont confinés. En dehors des quelques films qui ont la chance d'être sélectionnés dans des festivals à l'étranger, la seule opportunité pour un court-métrage de rencontrer un public est constituée par les JCC. C'est en ce sens que l'on ne peut que saluer l'initiative d'une des salles de la place de proposer au public tunisois un programme de courts métrages. Cette sortie se justifie d'autant plus aujourd'hui qu'une demande existe pour les formes courtes, les programmes proposés les deux dernières années durant le festival de la Médina ont en effet connu un franc succès et les nuits du court organisées par l'ATPCC ont fait salle comble en 2004 et 2005.

La télévision tunisienne à travers une politique d'acquisition et de diffusion de courts pourrait apporter sa contribution en rendant accessibles ces films pour le grand public.
Espérons que ces frémissements constitueront les prémisses d'une réhabilitation du court-métrage. Il y va de l'intérêt de toutes les parties prenantes dans la profession. Le devenir du cinéma tunisien se dessine déjà dans ces petits films (par leur durée).

Ikbel Zalila

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