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La pensée unique
Zimbabwe, de Darell James Roodt (Afrique du Sud)
critique
rédigé par Télesphore Mba Bizo
publié le 26/03/2008

Nul ne se fera du cheveu blanc à essayer de traduire le mot Zimbabwé, titre de la dernière sortie de Darell James Roodt dans quelque langue que ce soit. C'est un nom propre. Il relève donc de l'intraductible. Pourtant, ce lexique ne fait que déployer une naïveté apparente. En effet, Zimbabwé ici cache une forte dose d'idéologie. Le texte filmique en question diffuse un discours de donneur de leçons.

Un film à thèse. Zimbabwe pratique l'invective contre Robert Mugabé, Chef d'État du pays éponyme, de manière à la fois nuancée et suggérée. En filigrane, l'homme d'État est présenté comme le tortionnaire des masses sans bol alimentaire. À la rareté du pain quotidien se greffe la malédiction du SIDA. La pandémie décime la population. D'ailleurs, la mère de l'héroïne, Zimbabwe, a trouvé la mort des suites d'une infection au syndrome de l'immuno déficience acquise. Comme si la pilule n'était pas assez amère, les panoramiques immortalisent le fiasco de la réforme agraire. De vastes étendues de terre aride, jadis grenier du pays, s'étendent à perte de vue à cause de l'expropriation des Blancs zimbabwéens et de leur expertise. Seules les images de l'opposition décapitée et des urnes bourrées manquent à l'appel pour produire le tour d'horizon complet de la situation ambiante dans l'ex-Rhodésie du Sud.

Néo-colonialisme
Ce discours de Darell James Roodt est celui de la pensée unique occidentale. Il s'agit de l'excroissance du colonialisme. Le Nord fabrique un mode d'emploi. Dans ses attentes immédiates, le Sud doit respecter "l'ordonnance" à la lettre. Le cas échéant, le Dirigeant se voit désigné par l'épithète sombre de Dictateur. Pourtant, nul n'ignore que ce terme participe du message de la propagande. Ses contemporains sont démocratie, bonne gouvernance, transparence électorale et alternance au palais. C'est, du reste, la recette miracle que proposent les chancelleries occidentales pour faire passer l'Afrique de l'obscurité à la lumière. Or, qui dit propagande dit désinformation et partialité. Une formule peut être magique en Europe et sans effet ailleurs. D'où la nécessaire dissociation entre texte et contexte.

Stéréo-types
Zimbabwe est une somme d'images additives à propos des clichés. Le film montre l'Afrique comme l'Europe aime la voir : misérabiliste. En effet, l'héroïne est sans le moindre kopek à la suite du décès de sa mère. Sa tante la réduit à l'esclavage. Il faut emprunter la piste sud-africaine dans l'espoir de découvrir l'El Dorado. Malheureusement, l'absence de qualification condamne Zimbabwe à des tâches de ménage, rôle traditionnel des Blacks dans nombre de castings. Son patron use et abuse des charmes de sa féminité. Mais elle doit rester bouche cousue de peur d'alarmer la patronne La pègre locale lui extorque sa maigre pitance. En un mot, le sort du personnage principal est une multiplication des malheurs C'est à peu près le destin de l'Afrique aussi: révolutions de palais, bruits de bottes, cataclysmes, épidémies, etc.


Un enrichissement, tout de même
À bien y réfléchir, cependant, Darell James Roodt n'est pas afro-pessimiste. Il a ouvert la chute du film. Par conséquent, son récit initie le débat de l'immigration Sud-Sud. Faudra-t-il partir juste pour les besoins de la cause ? Quelle est la place de la formation dans l'insertion socio-professionnelle en terre étrangère ? Quels sont les risques du commerce de sa chair? Quelle diaspora pour la construction du pays d'origine ?
Les mêmes points d'interrogation questionnent les problèmes relatifs à la réforme agraire et à la prise en charge des patients du SIDA au Zimbabwé. Par exemple, n'était-il pas indispensable de définir le profil idéal des Noirs à qui les terres arables allaient être rétrocédées pour une mise en valeur efficiente? Quelle reconversion pour les Blancs dépossédés de leurs terres ?...A première vue, Zimbabwe écoeure les consciences. Mais pour qui connaît Darell James Roodt, la prise de position contre Hararé n'est pas surprenante. Il s'est toujours réjoui de s'attaquer de manière frontale aux autorités en place et à l'ordre établi. Le premier coup, il l'a frappé en 1986. A l'occasion, il s'était mis à dos tout le régime de l'Apartheid en produisant A Place of Weeping. Il a même récidivé deux ans plus tard avec la sortie de The Stick qui proférait des injures contre le régime de Prétoria. En 1990, il a obtenu la présence de Whoopi Goldberg lors du tournage de Safarina, un autre pamphlet anti-apartheid. Cette audace lui vient de son installation aux Etats-Unis. Darell James Roodt est donc le gendarme du monde qui parle à Robert Mugabé. Cependant, on finit par se prendre une noix sur le crâne à force de secouer le cocotier par le cinéma d'opinion.

Télesphore MBA BIZO

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