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La SENAFAB ouvre le débat sur la relance en Afrique de l'Ouest
5ème Semaine nationale du film africain de Bamako (SENAFAB, Mali)
critique
rédigé par Moussa Bolly
publié le 25/04/2008

Même si peu de gens misaient sur sa survie au début, la Semaine nationale du film africain de Bamako (SENAFAB) poursuit son bon homme de chemin. Mieux, elle sert aujourd'hui de cadre pour des débats sur les difficultés auxquelles le 7e art est confronté en Afrique. C'est ainsi que la 5e édition vient de se dérouler (du 28 au 30 mars 2008) sur le pertinent thème : "la production audiovisuelle africaine : un enjeu sous régional". Les participants ont ainsi profité de l'opportunité pour ouvrir le débat sur la relance de la production cinématographique en Afrique de l'Ouest.

Baisse de la production, difficulté de la circulation des oeuvres audiovisuelles, disparition des films africains des salles et sur les écrans, régression du parc de salles cinématographiques, absence de véritable marché national ou régional pour les productions africaines, absence de politique hardie et dépendance des financements extérieurs à environ 90 %... !

Le diagnostic des maux qui rongent le cinéma africain n'est pas exhaustif ici. Il s'agit plutôt là des cas d'urgence qui ont préoccupé les participants à la 5e édition de la Semaine nationale du film africain de Bamako (SENAFAB). Ainsi, pendant trois jours (du 28 au 30 mars 2008), une cinquantaine de professionnels venus des pays de l'Afrique de l'Ouest ont ouvert la réflexion sur les pistes de recherche de traitement de ces maux qui minent le 7e art africain, singulièrement ouest-africain.

"Problématique de la production cinématographique et audiovisuelle : une approche sous régionale" ! Tel était le thème central proposé aux participants le Centre national de la cinématographie du Mali (CNCM) en marge de projections de films. Cette problématique a été débattue au cours d'un atelier qui avait comme objectif de "dégager des pistes pour revitaliser la production, la formation, la promotion et la mise en marché des productions audiovisuelles et cinématographiques par le biais de l'approche sous régionale".

Une initiative d'autant pertinente que les maux qui rongent le cinéma africain sont profonds et communs à tous les États, même si c'est à des degrés moindre. D'où la nécessité, pour les acteurs du secteur dans la sous région, de se mettre en synergie afin de mieux les cerner et d'y apporter des solutions communes et appropriées. C'est à ce prix qu'ils peuvent réellement baliser les pistes de l'envol du cinéma en Afrique de l'Ouest voire Afrique.

La réflexion menée à Bamako s'est appuyée sur un document produit à la faveur de la 5e édition de la SENAFAB. Il mettait clairement en exergue le fait que "le paysage cinématographique et audiovisuel des pays africains au Sud du Sahara, en particulier de l'Afrique de l'Ouest, est caractérisé par une hégémonie d'images venues d'ailleurs, notamment de l'Europe et de l'Amérique (Nord et du Sud)". Dans un tel environnement, il est clair que "la domination écrasante de ces images européennes et américaines" dans la consommation de films et de programmes cinématographiques et vidéographiques des populations africaines va lourdement peser sur le développement culturel et socio-économique de l'Afrique SubSaharienne.

D'ailleurs le président de la Commission d'organisation de la SENAFAB, M. Sidi Diabaté, ne se trompe pas quand il souligne, "ce phénomène nous réduit à de simples consommateurs unilatéraux d'images, qui sont censés véhiculer des modes de penser et d'agir exogènes et, qui chassent et remplacent progressivement et inexorablement nos propres valeurs culturelles".

Déjà, les conséquences socioculturelles de cette acculturation se fait ressentir sur les enfants et les jeunes dans nos États. En effet, elle est en partie responsable de la précocité sexuelle, des viols, de la prostitution infantile, de la pédophilie, de la violence urbaine et semi-urbaine, de la forte consommation des drogues et tabacs…

Le fantasme l'emporte sur la mission socioéducative

Sans compter les pertes économiques car la production et la diffusion d'images sont aujourd'hui de prospères industries et constituent l'un des secteurs les plus dynamiques de la croissance mondiale à cause de la constante augmentation de la demande. Les experts du CNCM ont logiquement "estimé que, faute d'un minimum d'organisation des marchés nationaux et régionaux, d'une politique incitative et d'une offre conséquente de programmes télévisuels et de films africains, cette croissance va au profit des images étrangères importées". À ce niveau aussi, l'Afrique est un vaste marché qui fait la prospérité économique des industries européennes et américaines.

En un mot, notre sous région voire notre continent sert de marché de consommation aux autres. Et cela au détriment de nos propres productions qui souffrent de manque de promotion et de distribution sur notre sol à plus forte raison ailleurs. Combien d'Africains voient un film africain dans le mois ? Très peu ! Et pourtant, ils sont des millions de téléspectateurs à se passionner pour les séries brésiliennes, mexicaines… dont le seul mérite est de les faire fantasmer.

En visionnaires, les spécialistes maliens des questions de cinéma pensent que l'absence d'initiative risque de condamner la majorité des pays africains, en dehors du Maghreb et l'Afrique du Sud dans une moindre mesure, à produire une part sans cesse plus restreinte des images consommées par leurs populations. Ce qui est une situation inacceptable pour qui connaît "les potentialités artistiques et même techniques non négligeables" de production des images africaines en qualité et en quantité.

Une fois n'est pas coutume ! Les experts ne se sont pas contentés de critiquer ou de seulement poser le diagnostic. Ils ont proposé des pistes de réflexions et même suggéré des thérapies de choc. À leur avis, l'émergence et le développement d'une production d'images significative passe par "l'engagement suivi et durable de l'Etat ou de la région par le biais d'une volonté politique clairement exprimée et d'un plan d'actions fort, en termes de réglementation et de contribution financière".

Ce qui nécessite l'initiation d'actions destinées à la restructuration du secteur et à la mise en place de mécanismes de financement appropriés afin de soutenir le développement de l'industrie audiovisuelle et cinématographique. Mais, ces thérapies auront moins de chance d'être appliquées sans une sensibilisation et un plaidoyer auprès des décideurs. Cela est d'autant clair que, en Afrique, la volonté politique ne se concrétise que sous la pression, notamment celle des parlementaires et de la société civile là où cette dernière est idéalement organisée.

Moussa Bolly

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