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Le traitement de l'Histoire dans Cartouches gauloises de Mehdi CHAREF
critique
rédigé par Bouchta Farqzaid
publié le 27/04/2008
Cartouches gauloises
Cartouches gauloises

Cartouches gauloises de Mehdi CHAREF (1) est un long métrage, qui figurait parmi les films en compétition, lors de la sixième édition du Festival du film francophone de Safi (Maroc), et qui a obtenu le prix du scénario. Et c'est cette mention qui nous a interpellé. Car, parler du scénario, c'est souligner le caractère réfléchi d'une écriture (ou d'un texte). Celle-ci doit être bien structurée et bien conçue tant sur le plan de l'intrigue, de la narration, de la configuration spatio-temporelle que sur le plan de la caractérisation des personnages. Cela devient beaucoup plus important si le film met en scène un pan de l'Histoire d'un certain pays.

Certes, toute entreprise de reproduire le Réel - ou l'Histoire - est impossible, parce que l'art - dont le cinéma - ne peut qu'en donner une "image" ou en tirer un "effet" (2). Cependant, le regard reste une pierre angulaire dans tout travail de représentation. En d'autres termes, le point de vue qu'un artiste adopte constitue un angle de vue à travers lequel on peut déceler tous les stéréotypes et les partis-pris, qui déterminent, en fin de compte, sa vision du monde.


Nous nous efforçons de voir comment le film de Mehdi CHERIF - re-présente un une phase historique, à savoir le "dernier printemps de la Guerre de l'Algérie et l'été de l'indépendance" (3).

En effet, l'histoire (4) du film a pour toile de fond l'Algérie, qui vit les dernières atrocités de la colonisation française. Cinématographiquement, ce pays est réduit à quelques menus détails fort dysphoriques. Alger est notamment présentée comme un lieu où les "indigènes" sont barbares, car ils tuent des gens civils ; en témoigne la scène du meurtre d'une famille dans un jardin alors qu'elle prenait du café en écoutant de la musique. Ni leur mine ni leur habit n'inspirent confiance : c'est ce qui explique le recours à des scènes répétitives de la fouille et des hommes et des femmes. Certains se sont voués à la "cause française" en servant d'indicateur, d'où le rejet de leurs familles. Bravant les traditions, des femmes algériennes préfèrent la bonne chair en se prostituant avec les colons. Même le petit enfant, Ali, qui est un personnage prétexte, dans la mesure où il sert de témoin d'une époque, est quelque peu grotesque. Fils d'un résistant, il passe son enfance à servir l'étranger : vendre des journaux (en français) aux militaires et au chef de la gare, faire des courses pour un vieux couple de colons. Son misérabilisme atteint son paroxysme au moment où il assiste passivement à l'humiliation de sa mère et au viol de sa sœur par un capitaine français.

Parallèlement à cette négativité des autochtones, on est sidéré par une sorte d'idéalisation des colons, malgré leur côté un peu cruel. Attaché à la terre d'Algérie, un vieux couple heureux, par exemple, décide d'y rester et de faire face aux éventuels dangers de l'Indépendance. Aussi, avant de partir, la mère de Nico, fait preuve d'acte de générosité en léguant sa demeure à la mère d'Ali (quelle ironie !). En outre, le chef de gare quitte Alger, malgré lui. À la fin du film, son récit fort éloquent témoigne d'un regret incomparable. Il est à l'opposé de ceux - Algériens en l'occurrence - qui ont osé vendre leur pays, moyennant quelques sous.

Au reste, il est évident que la métaphore de la cabane soutient amplement ce discours idéologique, qui laisse entendre que les Algériens sont loin d'être capables de construire eux-mêmes leur propre pays. C'est pourquoi, Nico, en s'adressant à Ali, s'exprime clairement dans l'une des dernières scènes du film, c'est-à-dire lors de l'Indépendance : "Enlève ce drapeau. La cabane, je l'ai construite, moi aussi". Cette cabane n'est en fin de compte que l'Algérie, que l'on a cherché dominer puis à partager à jamais.

Réalisme historique ou subjectif, cette manière d'approcher l'Histoire laisse perplexe. Aussi l'humanisme, que Mehdi CHAREF met en relief en le décontextualisant, devient-il une absurdité indescriptible. Cela est valable pour plusieurs films marocains dont les réalisateurs optent pour la même vision (5).

Bouchta FARQZAID

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