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Omerta, malgré moi
Doto / silence !, de Jérémie Lenoir (France), documentaire.
critique
rédigé par Sitou Ayité
publié le 28/05/2008
Jérémie LENOIR
Jérémie LENOIR

Des paroles, une platine, un micro, des vinyles, c'est tout ce qu'il faut pour faire du rap. Parfois même moins ; comme le cas de ces jeunes de Lomé qui n'ont presque rien mais veulent exprimer leur angoisse et leur désespoir. C'est entre quatre murs d'une chambre sombre, sans décor qu'un rappeur, coiffé d'écouteurs et articulant des paroles apparaît en première scène du film. Ils sont nombreux à se lancer dans le rap à Lomé : Djanta Kan, Do'Ng, Bal 2 Rime, Dellah, Sista Kash... Simple prénom ou pseudonyme, ils ont tous quelque chose à dire. Rappeurs de l'ombre ou de surface, c'est une occasion pour parler de leur condition. Pourquoi ils sont si nombreux ? Effet de mode ? Soit, la mode chez les jeunes de Lomé, c'est la pauvreté et puisque le rap est l'instrument de résistance le mieux adapté pour échapper à la défonce, la prison ou le cimetière, ils l'ont préféré à la résignation. Colonialisme, piraterie, misère, dictature, tels sont les quelques thèmes de leurs chansons.

Des paroles, ils en ont ; des plus poétiques aux plus politiques. Des platines, ils n'en ont plus besoin depuis qu'ils se sont rendus compte qu'ils auront beau embelli leur musique, il n'y a aucun changement. Ils sont dans un pays qui les pousse à l'introversion et ne leur autorise que le rap poétique. Le rap politique est à prendre avec des pincettes s'ils ne veulent pas faire empirer leur condition de vie. Et pourtant, c'est de la politique qu'ils veulent parler dans leur musique car ils savent qu'elle est l'auteur de leur malheur.

Les deux seules solutions : c'est tourner autour du pot, en vouloir puis se taire ou dénoncer et s'exiler. Ces jeunes rappeurs ont privilégié la première option car dans la seconde, l'exil est synonyme de "se jeter dans la gueule du loup" puisque la France qui est sensée être le pays d'exil est partenaire de leur propre pays qui les opprime.Ceci n'a pas échappé au réalisateur qui, pour rendre son œuvre complète, n'a pas hésité à insérer des images d'archives qui dénoncent "une démocratie dictatoriale" d'une part et l'assistance à ce régime d'autre part. Le quartier Bè, le campus universitaire à Lomé, différents icônes de la rébellion sont les lieux où ces jeunes se retrouvent pour raconter leur douleur s'ils ne la racontent pas à la rue. La rue, quant à elle, est devenue le territoire d'expression de ces rappeurs. D'ailleurs ils ont toujours eu ce dont personne ne voulait. Dans un panoramique montrant la misère, ces jeunes au visage vieilli par la souffrance marchent aux pas ralentis dans les dépotoirs de la capitale. Ils l'appellent "Lomélancolie". Il faut avoir la force d'un samouraï pour contenir sa rage de vivre. Parce qu'il n'y a plus aucun espoir en bas, il faut regarder en haut pour le salut. En retournant la syntaxe, en triturant le français, en assaisonnant de son dialecte, ces jeunes trouvent quand même une place pour Dieu dans leurs paroles. Loin d'imiter le rap de l'oncle Sam, ils ont donné un style spécifique au rap tout en se fixant sur les critères de base. Ce qu'ils voudraient imiter, c'est ce décor de grosses cylindrées du pays de l'oncle Sam mais ils n'ont droit qu'à un vélo et au décor naturel d'ordures. C'est cette histoire que le réalisateur a voulu raconter dans un style "caméra direct" et la meilleure façon de la raconter est de donner la parole à ces jeunes. Mais seulement voilà, ils sont dans un pays où ils ont le droit de tout dire mais exclusivement à un certain niveau. Ils ont préféré DOTO.

Sitou Ayité

Doto / silence !
De : Jérémie Lenoir
Catégorie : documentaire
Durée : 53 min

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