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entretien de Mériam Azizi avec Pascale Obolo
"Développer l'imaginaire des jeunes africains pour plus d'identification en harmonie avec l'air du temps". Entretien avec la réalisatrice camerounaise de La femme invisible
critique
rédigé par Meriam Azizi
publié le 05/06/2008
Pascale OBOLO, réalisatrice
Pascale OBOLO, réalisatrice
Calypso at Dirty Jim's, 2005
Calypso at Dirty Jim's, 2005
Meriam AZIZI
Meriam AZIZI

M. Azizi : Après Calypso @ Dirty Jim's, documentaire musical tourné en super 8 et en marge du carnaval de l'île de Trinidad, votre esprit demeure profondément préoccupé par l'absence d'une identification africaine "moderne" ce qui a donné naissance à La femme invisible, à notre bonheur. Symboliquement parlant votre court-métrage prend la forme d'un plaidoyer pour la cause du cinéma africain.

Pascale Obolo : De manière générale, oui. Mais pour nuancer, l'intention au départ est de proposer un autre regard, de mettre à disposition du spectateur une sorte de défense et illustration du jeune cinéma africain. L'univers du cinéma africain aussi bien en fiction qu'en documentaire fut longtemps associé à des thématiques comme la misère, l'exil, la mort. Se débarrasser de cette étiquette qui ne fait que scléroser la production dans des clichés générateurs de préjugés est le message que porte de mon film. Mon ambition est d'atteindre le plus large public afin d'attirer l'attention sur l'existence d'inventeurs d'histoires dont l'imaginaire permet plus l'identification à l'identité africaine d'aujourd'hui et qui, malheureusement, n'ont pas encore de véritable reconnaissance auprès des organismes européens qui sont censés les soutenir.

M. Azizi : Justement votre film se distingue par cette prise de position en étant l'exemple de cet affranchissement des stéréotypes de par non seulement le parti pris narratif mais aussi le choix esthétique.

Pascale Obolo : Oui. En effet, mon personnage est une femme noire qui, tout en se promenant dans les rues de Paris, a l'esprit traversé par un ensemble de réflexions et de questionnements sur la notion de star dont l'image est universellement associée dans l'histoire du cinéma à la femme blonde. Le discours en voie off vire progressivement à une sorte de délire qui frôle la frontière de la folie. D'autre part, j'ai tenu à ce que la caractérisation vestimentaire du personnage fasse référence aux années soixante-dix où glamour et attitude fashion étaient l'apanage des artistes d'origine africaine. Cette femme est invisible parce qu'elle ne correspond à la norme depuis l'icône pin up à la star hollywoodienne.

M. Azizi : Le plan dans lequel l'actrice s'arrête devant une affiche pour la promotion d'un film où la star, peut-être suite à son délire devenu visuel, n'est cette fois qu'elle-même, est frappant. Par ailleurs, la petite note ironique "sortie en 2050" en dit long sur les raisons de votre engagement.

Pascale Obolo : C'est un plan central dans mon film. Il concentre la quintessence du sens de la totalité de l'œuvre. Par ce détournement d'image - il faut avouer qu'à la base c'était une photo de l'actrice Catherine Deneuve - le spectateur est visuellement sollicité et amené à se rendre compte que croiser sur la route une publicité érigeant la photo d'une actrice noire n'est pas aussi surréaliste qu'on ne le pense. C'est un appel à l'ouverture sur d'autres créations cinématographiques africaines à même de concurrencer avec leurs équivalents dans les pays du Nord. Pourquoi ne pas faire des films sur l'espionnage, ou sur une famille africaine qui prend des vacances en Chine par exemple. Jusqu'à quand les films africains doivent se passer ou dans la savane, ou dans le village, rien que pour représenter la culture locale du pays. Certes l'Africain est originaire de l'Afrique mais mise à part cette appartenance, il peut très bien être aussi un citoyen du monde.

M. Azizi : Envisagez-vous de poursuivre votre combat ?

Pascale Obolo : Il n'est pas question d'abdiquer. Avec Philippe Djivas, à la tête de Dynamoprod et producteur de Calypso @ Dirty Jim's, nous comptons éterniser l'histoire des divas africaines à travers des documentaires musicaux inédits. Ce projet représente aussi pour moi un acte d'engagement.

Meriam Azizi

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