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Parcours de dissidents, de Euzhan Palcy (Martinique)
Devoir de mémoire
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 13/06/2008
Jean-Marie MOLLO-OLINGA
Jean-Marie MOLLO-OLINGA
Parcours de dissidents
Parcours de dissidents
Euzhan PALCY
Euzhan PALCY
Ousmane SEMBENE
Ousmane SEMBENE
Rachid BOUCHAREB
Rachid BOUCHAREB
Sidiki Bakaba ("Pays") dans Camp de Thiaroye (1988)
Sidiki Bakaba ("Pays") dans Camp de Thiaroye (1988)

Dans le cadre de l'hommage à la Martiniquaise Euzhan Palcy au Centre culturel français de Yaoundé.

À cette occasion, a été projeté son film Parcours de dissidents. Celui-ci est le regard, mieux, la lumière qui éclaire, d'un jour nouveau, la gestion par la France, des anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, venus des Antilles.

Bien avant Euzhan Palcy, Sembène Ousmane et Thierno Faty Sow, dans Camp de Thiaroye, avaient déjà dénoncé cette même - mauvaise - gestion des soldats ayant combattu pour la France. Il s'agissait des "tirailleurs" africains, vulgairement appelés "tirailleurs sénégalais". Plus près de la cinéaste martiniquaise, dans le temps tout au moins (leurs films sont sortis presqu'à la même période), Rachid Bouchareb s'est situé dans la même veine à travers Indigènes. Son film présente l'injustice subie par les "bougnoules", les soldats arabes - algériens plus précisément -, venus porter secours à la France lors de la deuxième grande guerre du 20ème siècle.

Parcours de dissidents, compilation de morceaux de biographies hagiographiques, consacre l'essentiel de son propos à l'évocation de la trajectoire d'octogénaires partis, à l'adolescence, de chez eux, dans des conditions rocambolesques, écrire en lettres de sang, ce pan occulté de l'histoire de France. Documentaire historique soutenu par la voix off de Gérard Depardieu, l'œuvre d'Euzhan Palcy remonte le temps, et apparaît comme une reconstruction faisant resurgir le passé.

Parcours de dissidents est aussi l'histoire d'une vie. Qui commence et finit dans la douleur. Le film, en effet, s'ouvre sur les larmes, et s'achève avec elles. Il est intimiste. Ce qui, techniquement, justifie l'usage par la cinéaste de très nombreux plans montrant ses personnages jusqu'aux épaules (gros plans), ou présentant seulement leurs visages (très gros plans). Le spectateur est ainsi amené à lire leur psychologie, à travers le jeu de ces visages meurtris par la douleur de l'indifférence de ceux pour qui ils avaient combattu. Parfois, ils sont égayés par quelques beaux souvenirs tels que celui de cette infirmière aux seins énormes, ou celui de ce bain au champagne, ou encore celui de ce soldat allemand sauvé de la mort par un Noir. La vie intérieure de ces combattants de la liberté est ainsi traduite par des émotions portant leurs réactions les plus intimes.

Lorsque le 18 juin 1940, le général De Gaulle lance son fameux appel de Londres, il ne se doute pas que son écho résonnera jusqu'au tréfonds des recoins de la planète, et qu'il y sera capté par tous les hommes et femmes épris de liberté. Et l'un des mérites de Parcours de dissidents est justement d'avoir su montrer la part active qu'ont prise les femmes dans ce conflit. Comme les hommes, elles faisaient partie des dissidents, "des anarchistes, des gens qui ne se pliaient pas au bon vouloir de ces messieurs de Vichy". Après avoir tiré la France des serres de Hitler et du nazisme, comment comprendre que "60 ans après la Guerre, toujours pas de monument aux morts, ni même de plaque commémorative" ? Pourtant, nombre d'entre eux ont été tués, ou en sont rentrés mutilés. Comment comprendre que sur les 50 000 combattants des Forces françaises libres, les 2500 "dissidents" martiniquais, c'est-à-dire des gens ne tolérant ni "le servage", ni "l'esclavage", et auxquels s'étaient joints 2500 Guadeloupéens, soient "absents des livres d'histoire et ignorés de tous, aux Antilles comme en Métropole" ? Les soldats du Bataillon des Antilles N°1, parce qu'ils étaient "complètement effacés de la carte", et dont "la jeunesse d'aujourd'hui ne sait rien", méritaient d'être rétablis dans l'estime de tous.

Jean-Marie Mollo Olinga

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