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Tournée du film Les frères Kadogo en Côte d'Ivoire
critique
rédigé par Fortuné Bationo
publié le 13/06/2008

Accueil triomphal à Korhogo

Enraciner la paix dans les cœurs et les esprits. C'est au nom de ce grand principe que l'Institut Goethe a initié une tournée de projections du film Les frères Kadogo du réalisateur rwandais, Joseph Muganga, à l'intérieur du pays. La première escale de ce film lauréat du prix de la meilleure œuvre de fiction, dans la section TV vidéo, au Fespaco, a eu lieu à Korhogo, une ville du nord, contrôlée par l'ex rébellion armée.

Ils ont l'âge de tous les rêves mais leur univers respire l'enfer, même après la guerre. Les enfants soldats, dans le film de Joseph Muganga, n'ont pas été refoulés par le public de Korhogo, première étape d'une série de projetions dans quatre villes du pays (Korhogo, Bouaké, Yamoussoukro, Dimbokro). Malgré leur destin critique, la salle pleine à craquer du Centre culturel Womiengnon, le 22 avril dernier, leur a tendu la main, à travers des applaudissements nourris, au cours de la projection de cette œuvre de fiction. Succès fracassant. Si des éclats d'admiration ont résonné pour saluer la bravoure désespérée de ces gamins égarés par la faute des grands, des pleurs ont été aussi au rendez vous, obligeant le réalisateur du film, Joseph Muganga, à poser une main consolatrice sur l'épaule d'une jeune fille émue, avec ces mots : "ce n'est pas de la réalité, c'est simplement de la fiction". Un rappel vain dans un embouteillage d'émotions.

"Quand les enfants chantent ce refrain là, cela me donne la chair de poule" chuchote à son voisin un autre téléspectateur. Et pourtant, ce film qui questionne, bouscule et anticipe, déjoue bien le piège du tout dramatique pour coller à son efficacité un humour bien huilé. Un humour parfois noir, dans une violence où le rouge apparaît en tache réduite, presque mesurée, pour faire passer un message on ne peut plus clair: plus jamais d'enfants soldats, et plus globalement, halte à la guerre. Tout de suite après la projection du film, les élèves ont échangé avec le réalisateur sur quelques non dits de l'œuvre. Les motivations de l'auteur, ses rapports avec les acteurs, le lieu où se déploie la fiction, un tas de questions pour redécouvrir Les frères Kadogo.

Joseph Muganga a fait comprendre au public que les applaudissements représentent pour lui un intérêt faible par rapport au processus de réflexion que son film suscite. "C'est la compréhension générale du film par les élèves qui m'intéressent" a-t-il dit. Rappelons qu'une seconde projection a eu lieu dans la même salle, avec cette fois, des contributions plus prudentes sur l'impact d'un tel film, dans le délicat contexte actuel de sortie de crise. Des appréhensions que le père Ramon, responsable de la commission diocésaine de justice et paix, a balayé, tout en jugeant le film riche d'une brûlante actualité, en dehors de ses qualités techniques indéniables. Il a clos son intervention en remerciant l'Institut Goethe qui a permis aux jeunes d'être sensibilisés aux méfaits de la guerre.

Bouaké "succombe" à deux reprises

Le cinéma le Capitol à Bouaké (ville sous contrôle de l'ex rébellion), avec ses 480 places, s'est avéré trop petit pour accueillir tous ceux qui désiraient voir le film Les frères Kadogo de Joseph Muganga, le 23 avril dernier. Une seconde projection a donc eu lieu pour ne faire de mécontents.

Ce n'est pas un succès, c'est une invasion. La projection du film Les frères Kadogo a laissé dehors de nombreux enfants, dont le visage portait le masque d'un rendez-vous manqué. Les rumeurs de joie qui quittaient la salle pleine à craquer pour les retrouver à l'extérieur de l'édifice, amplifiaient leur pincement au coeur. Mais ce supplice, loin de les inciter à partir, les clouait là, au grand embarras du réalisateur Joseph Muganga. Ce dernier a lancé l'idée d'une seconde projection pour contenter tout ce monde frustré de ne pas pouvoir suivre l'œuvre de fiction qui battait son plein dans une salle où il faisait très chaud.

La directrice du Goethe, Vérena Passig Oulaï, qui prend régulièrement des nouvelles de la tournée depuis Abidjan, a été aussitôt informée de la situation. Elle a rapidement adhéré à cette idée de renouveler l'expérience. Encore une aubaine pour faire vibrer d'autres enfants sur le drame de personnages taillés dans l'écorce de l'innocence et du gâchis. L'acteur principal du film, Jim, et ses deux acolytes, ont été chaleureusement applaudis, au cours de ceux projections, autant par la qualité de leur jeu que par la sourde révolte qu'ils inspirent.

Un déluge de remerciements est allé, lors de échanges, à l'Institut Goethe, pilote du projet, et au réalisateur du film, Joseph Muganga. Véritable star de la soirée, il a signé des autographes, le sourire abondamment pendu aux lèvres. "Joseph, ne n'oublie pas", a lancé une gamine, faisant référence à son autographe. Avec des paroles venues du cœur, les enfants ont fait partager leur enthousiasme et leurs sentiments. Des jeunes intervenants ont déclaré leur surprise devant la gratuité de la manifestation, en raison de la pertinence du sujet traité. D'autres ont vivement souhaité que l'œuvre revienne à Bouaké pour permettre à un plus grand nombre de personnes de la découvrir. "Il faut aussi que les grandes personnes voient ce film" a lancé un autre enfant. A Yamoussoukro, le film sera projeté à 15 h, au lycée Mamie Adjoua. Le lendemain, le périple s'achève par deux projections à Dimbokro, à 16 h et 18 h 30.

Fortuné Bationo

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